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19/03/2015

La porte déglinguée



Dans la rue du Bel Air, qui ressemble plus à une sente qu’à une rue, ce qui fait son charme, je croise une porte mal rasfistolée, toute de guingois, qui ne garde plus rien. Elle n’est plus qu’illusion, apparence de fermeture.
J’hésite à la pousser, si elle est plantée là c’est pour me signifier que derrière on aspire à la paix. Je pourrais frapper, mais quoi, c’est elle qui m’intéresse, pas ce qu’elle tente de cacher. Je la regarde comme on regarde la topographie en ruine d’un visage trop fardé.
Je contemple l’absurde jusqu’au vertige, jusqu’à la révélation. Cette chose déglinguée devrait être exposée à la fiac. N'y a-t-il pas là, un cou sans tête, l’esquisse d’un sein ? Ce pourrait être le début ou la fin d'un tronc, au choix, qui se dessine au creux de ce pansement de planches clouées.
Je me retiens de l’arracher à ses gonds pour l’emporter sous mon bras et la planter au beau milieu de ma prochaine exposition. Elle serait là, tout aussi inutile, fermée, au centre de la salle.
Qui oserait alors l’ouvrir et la passer, comme on passe sous l’arche des portes de Paris, rien que pour le plaisir ?

©Adamante -SACEM



9 commentaires:

  1. merci Adamante de ce superbe texte ... J'aime beaucoup votre façon de composer et j'aime également beaucoup les vieilles portes que je trouve attachantes ... Elles ont traversé des siècles quelquefois pour arriver jusqu'à nous dans leur toute belle simplicité mais je les aime et les prends souvent en photos Tout comme les fenêtres ...
    Mathilde ☼♫♥♥♥

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    1. Merci Mathilde, c'est très aimable à vous.
      Portes et fenêtres, il y a tant à y lire et à imaginer.

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  2. Je t'imagine emportant sous le bras cette porte comme un surfeur sa planche pour aller prendre du bon temps sur la vague... ;-) Bonne soirée Adamante...

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    1. Eh oui, deux déglinguées ! Bises, Jill.

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    2. Coucou Jill, Je précise à tout hasard pour "deux déglinguées", comprendre : la porte et moi ! Une traversée, mise en scène muette et furtive.

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  3. Personne n'oserait... parce que comme dans toute exposition, les gardiens veilleraient à ce que nul ne la touche.

    Mais que c'est beau d'y avoir pensé et d'avoir mis en mot ce moment de rêverie et de réflexion !
    Merci, Adamante.
    Passe une douce journée.

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    1. Merci Quichottine, ces textes sont le résultat d'une astreinte quotidienne à l'écriture autour de l'instant, d'une réflexion, une lecture, un regard, une écoute.
      "La promenade d'une rêveuse solitaire" peut-être ou "les divaguations d'une citadine, au choix.
      Allez on vote pour le second ! Sourire.

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  4. ..et la fenêtre doit être jalouse que tu ne parles pas d'elle ?

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    1. On a ses petits secrets, Gérard.
      Et puis, une fenêtre, n'est-ce pas, lorsqu'il n'y a ni étage ni volets, une sorte de "je t'aime, moi non plus" ? Une invitation dissuasive à jetter un œil ?

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