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05/07/2014

La danse de la pluie

Le ciel soudain se relâche, les nuages expirent le trop plein d’un long voyage. Crépitation des larmes venues d’un ailleurs lointain raconter la tristesse aux carreaux de mon bureau.

Quelque part dans le monde des gens meurent, de faim, de froid, d’abandon ; au fond d’un lit d’hôpital, sous les balles d’un assassin, les bombes d’une guerre ; dans un accident, un séisme, une tempête, un naufrage… Il est tant de façons de mourir,  tant de façons de léguer la souffrance à ceux qui survivent.

La honte, l’impuissance, le désarroi accompagnent le regard que nous portons sur la mort, car la mort de l’autre est toujours douloureuse.
Un homme, un animal, un arbre, une terre, la destruction d’un être est comme un rêve exhalant son dernier souffle, il s’effondre avec en son dernier regard la lueur de l’incompréhension.
C’est ce regard que m’apporte la pluie ce soir et le carreau me raconte celui de l’éléphant empoisonné pour ses défenses, celui du rhinocéros mourrant de septicémie sa corne tronçonnée, celui du clandestin qui se noie, celui du dealer victime d’un règlement de compte, celui du cancéreux victime de la folie industrielle et des économies de marché, celui de l’enfant soldat privé de rêve, celui du vieillard dont la main orpheline se crispe sur l’absence…

Le vent gémit son impuissance.

Je me sens vide, comme éloignée de moi, égarée ? pas vraiment, lasse ? certainement.
Et pourtant, au travers de ce vide incertain, je perçois comme une sorte de bien-être, une sorte de réalisation nourrie d’abandon. Je sais qu’au fond, sans en comprendre les pas, cette danse absurde est normale. J’expérimente l’usure des galets, l’hypnose. Et tandis que la pluie redouble d’intensité, je perçois, inscrites dans mes chairs, des impressions de pluie qui m’apaisent.
Il n’est plus ni gaieté ni tristesse, je vis un entre deux d’émotion libéré de la pensée et de l’agitation.
Observatrice retirée, la vie, ma vie, toutes ces vies rythmées de morts, sont comme un film qui s’accélère et que j’observe en silence tandis que la pluie s’intensifie et bousculée de vent s’écrase sur les carreaux.

©Adamante (sacem)

15 commentaires:

  1. Quand je vais à des obsèques et qu'il pleut, qu'importe la saison, je dis tiens un temps de circonstance.... ;-) bien amicalement JB

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    1. Les larmes de la pluie entraînent avec elles les larmes des visages ou alors elles apportent la fraîcheur aux yeux qui brûlent d'avoir trop pleuré. Amitiés, Jill.

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  2. Très beau texte, dont j'aime l'écriture moderne, le souffle et l'émotion. Merci Adamante. Je suis heureuse de vous avoir découverte. Je partage totalement ce que vous dites de la poésie, et c'est dans cette optique que j'écris moi-même. Bonne continuation!

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    1. Merci Annick, je suis en retard pour répondre, assez absente, mais il m'arrive de venir vous lire, avec grand plaisir.

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  3. Se sentir "en dehors" et pourtant en communion, en harmonie, avec le monde...
    Je comprends tout à fait.
    J'aime cet apaisement.

    Merci, Adamante.
    J'étais absente et me voilà de retour. J'espère que tu vas bien.

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    1. Je suis très absente moi aussi, mais quelque part, dans la nuit de la toile, je veille. Amicalement.

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  4. merci de nous permettre de ressentir avec toi
    doux bisous

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    1. Un partage, c'est tellement important le partage. Merci, Mamalilou.

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  5. Vivre entre deux émotions. J'aime beaucoup la manière dont tu exprimes la tristesse procurée par la pluie, mais qui se transforme en apaisement.
    Pour moi, la pluie et plutôt liée à la mélancolie. Mais qu'il et difficile de choisir le bon mot.
    Amitié Adamante

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    1. La conteuse que tu es (et que je n'oublie pas) doit trouver les mots, ceux qui jaillissent du fond du cœur et qui touchent les âmes. Mon amitié.

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  6. La pluie n'est pas forcément triste elle ravive les visages contrairement au soleil qui les ride.

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    1. J'aime beaucoup ce que tu dis, l'eau équilibre le feu, elle est indispensable. Merci Gérard, tes photos sont de plus en plus belles. Mais dire cela à chaque fois dans un commentaire, comme c'est difficile. Amicalement.

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  7. Etre spectateur, c'est à la fois se tenir à distance et participer. La seule attitude possible dans ce monde de souffrance. La pluie derrière la vitre, c'est un beau motif poétique.

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  8. L'eau source de vie, l'eau qui masque les larmes , et apaise aussi et qui lave les larmes ...

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  9. merci Adamante ... attention ton lien indique erreur .à bientôt

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