Je ferme les yeux, j’accueille.
Frémissement au premier son de la guimbarde, je suis au
centre du mouvement. Progressivement, une force surgie de mes entrailles
s’élève en spirales vers le ciel. Ce volcan hypnotique déroule sa matière
jusqu’aux confins inabordables d’un univers indéfini. Le rythme doucement s’installe et peu à peu s’amplifie. Tous
mes repères habituels s’effacent car ici il n’est plus de norme. La vie à
l’état sauvage crucifie nos certitudes dans son immense cri de sexes et de
ventres. La préexistence du désir de création est glorifiée.
Les cercles vibratoires de cette musique m’ensorcellent, ils
tournent de plus en plus vite et me placent au centre du tourbillon frénétique
de l’oubli de soi. Je coule sans crainte dans cet entonnoir qui m’emporte et me
dépose en douceur sur une zone de silence.
Je vis
l’appel du loup, gorge tendue vers les étoiles. Par le cri de la chouette qui
zèbre la nuit, je salue l’avènement d’un temps d’éternité.
Les voix
sont gutturales. Déchirées aux
épines de la forêt elles sont l’écho du mutisme des pierres.
Je
reçois. Je suis steppe. Je vibre du souffle infernal de la terre. Les notes se
gonflent, explosent sur les lignes d’une portée d’ombres jusqu’à faire surgir
un cheval au galop. Partout le feu s’exprime dévorant et le temps bascule. Da
capo. La silhouette d’une
cavalière est inscrite sur la face argentée de la lune, les ténèbres
s’illuminent. Et voilà qu’une armée mongole déboule à sa poursuite. Pas un seul
bémol, mais des marques de sabots sur les lignes qui se cabrent. C’est l’âme de
la terre qui tremble. Je tremble. Je suis le théâtre de cette poursuite
effrénée. Enfin l’apothéose, la grande danse des cavaliers, le grand opéra des
montures quand la nature Diva pousse son air de Valkyrie. La chamane a rejoint les territoires de
l’ombre.
Partout les cris rauques des Esprits surgis des profondeurs
taillent des lambeaux d’espace, ils ouvrent les portes des mondes interdits aux
profanes. Il n’est plus rien de connu au travers de ces territoires où le son
allume l’animalité de l’Être. Là, tous les chamans de tous les temps, de tous
les mondes, unissent leurs voix. Dans la nuit, un chant ancestral inscrit dans
la mémoire du minéral, dans l’ossature du vivant enfle jusqu’au coup de cravache
final.
Le pur-sang se cabre, un hennissement, puis le silence.
Une porte vient de se refermer.
Ton texte est magnifique, Adamante, elle m'a amenée quant à moi loin de tout, là où la nature est vierge de toute empreinte humaine... Merci
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