Saisir le temps
Ils marchaient dans la rue sans regarder autour d’eux, soucieux d’idées occupant leurs esprits agités. Certains sautillaient, oublieux de l’ancrage, stressés, déracinés, fragiles ; d’autres traînaient leurs semelles comme s’ils voulaient en abandonner une partie au bitume, ceux-là sans doute, épuisés par leur vie, eussent voulu ramper, tracer leur chemin en sous-sol pour se faire oublier ; les enfants quant à eux piaillaient en agitant les bras comme pour chasser ces boisseaux d’ombres émanant de l’univers adulte polluant l’espace.
Moi j’observais la rue, j’en captais les moindres détails. C’est alors qu’une femme tirant un lourd caddie, perdue dans ses pensées, et sans doute pressée de regagner son foyer, me frôla. Elle s’excusa. Nous échangeâmes un sourire puis elle s’éloigna.
Cette halte, à moins que ce ne soit ce sourire, m’entraîna dans une dimension parallèle.
Face à moi, sur le mur d’un ancien garage désaffecté, je le vis surgir. Mais qu’était-il ? Je découvrais un cheval à tête de dragon accompagné d’un moine, sans tête, dont le bras semblait lui interdire mon approche. Je percevais la fougue, voire la rage, lorsque je crus entendre claquer les dents de cet étrange destrier, des dents qui semblaient désireuses de dévorer le monde qui était le mien, ce monde arrivé à épuisement à force de destructions, à force de mépris du naturel.
Je restais là, interdite, ne sachant plus où moi-même je me situais. Avais-je passé une frontière interdimensionnelle ? Et cette vibration exaspérée, face à notre comportement irresponsable, n’indiquait-elle pas, plutôt qu’une menace, le désespoir d’une autre forme de vie plus empreinte de sagesse ?
Étrange sensation que de se perdre dans un espace aussi incertain que celui-ci.
Le vrai le faux - le flou
l’indéfini du temps
vérités multiples
au cœur des no man’s land
tout parait si insaisissable.
Adamante Donsimoni
20 juin 2025 ©sacem
L'Herbier de poésies Page 247
Comme quoi il fait bon de s'arrêter pour vivre une sensation d'exception.... merci, amitiés, jill
RépondreSupprimerBonjour Adamante,
RépondreSupprimerUn monde parallèle! Quelle belle idée! je t'avoue que je suis restée longtemps à contempler ton image, l'esprit vide. Et puis, peu peu, je l'ai vue, une femme étrange. Mais qui pouvait être aussi bien du marbre, du lion ou un cheval... C'est fou comme l'imagination se met à galoper dans des tas de directions différentes.
Étant fan de science fiction, d'anticipation et de Fantaisy, j'aime ton interprétation qui m'entraine loin de mon quotidien. Merci pour le voyage
Bien amicalement
:)
Nos soucis et notre quotidien imprègnent nos esprits et activent notre imaginaire, cette image nous a mené sur des chemins bien différents. que ne vois-t-on pas sur un vieux murs délabré quand notre monde est malmené !
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé ton interprétation Adamante, il est des instants où tout ce qui est flou et insensé s'éclaire, où tout prend un sens, et ces emotions là, uniques, il faut les retenir...
RépondreSupprimerL’étrangeté du monde et cette recherche de sens, je pense qu’on est nombreux à la partager. Merci, Adamante, pour ce voyage intérieur !
RépondreSupprimerChère Adamante,
RépondreSupprimerTon texte est une plongée fascinante !
J'adore comment tu transformes le quotidien de la rue en une rencontre mystique et profonde avec cette image.
C'est brillant de nous entraîner dans cette réflexion sur le temps, la perception et notre monde .
Vraiment saisissant !
Bien amicalement, Marie Sylvie
il suffit d'un mur dans une rue pour voyager et retrouver un monde insensé plein d'un à venir possible...
RépondreSupprimer