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13/10/2022

Nous avons dansé

Photo ABC pour le Nid des mots

 

Pour dérouiller nos vieux os, noueux comme ceps de vigne, nous avions décidé de bouger. Tout d’abord lentement, avec précautions, un peu comme nos feuilles quand le vent n’est pas trop agité. Nous comptions sur cet échauffement pour élancer nos bras vers les trouées de ciel bleu. 


la beauté du ciel

un appel à l’évasion

un frisson d’envie


Nous savions que dans la vie le chemin est plus important que le but, et bien que cela ne fut pas indispensable, nous nous étions fixé ce but pour nous motiver. Toutefois, nous étions tous conscients de nos faiblesses, de nos limites. 


l’immobilité

tenir et tenir encore-

désir de souplesse


Les autres, un peu plus bas, les planqués, nous observaient. Ils ignoraient l’adversité, ils n’étaient jamais confrontés aux intempéries qui sévissaient au sommet de la colline, nous si. La vie, en la circonstance le vent, avait déposé leurs graines au bon endroit sous la protection des flancs de la colline. Un coin avec un degré d’hygrométrie idéal et un ensoleillement parfait. 


la douceur de vivre

se balancer dans le vent-

la belle utopie


Nous, avec notre écorce rugueuse, desséchée par l’air et brûlée de soleil, nous avions l’air de malfrats. Notre résistance nous avait tendus jusqu’à la cassure qui parfois résonnait jusque dans la vallée. 


un ancien qui meurt 

sombre écho qui se transmet

jusque dans le cœur


Alors nous avions décidé d’un grand bal et avions profité du vent pour remuer tous les tourments de nos ramures, pour prendre l’espace à la manière des oiseaux qui habituellement nous habitaient et qui ce jour-là avaient fui. Nous avions décidé l’envol. Et ça grinçait, ça gémissait, mais c’était la joie au travers du mouvement. Quel vacarme sur la colline.


me voici seul

à vous raconter l’histoire

oui ! nous avons dansé.



Adamante Donsimoni ©SACEM

Haïbun du 13 octobre 2022

09/12/2018

Gigue de l’éternelle jeunesse



"Danse avec matou" huile/toile - 30x30 - Adamante




Gigue de l’éternelle jeunesse

Claquent les sabots sur la terre battue. Ce soir, rituel : on danse la gigue de l’éternelle jeunesse parfumée au granit. Adieu arthrite et lumbago ! C’est la nuit, des « sans dents », des « plus d’âge », des « riens », des oubliés, des simples, au fond de leur cambrousse.


Dès potron-minet
le chat, griffes endiablées
« tricote-ronron »

le fil « s’empapillonne »
et la laine « s’ensouris »


L’éclat du feu sur une boule de Noël a ensorcelé mes visions. Je rêve !


Ici les possibles
se sont donnés rendez-vous
-quel froid cette nuit !



©Adamante Donsimoni (sacem)

05/07/2014

La danse de la pluie

Le ciel soudain se relâche, les nuages expirent le trop plein d’un long voyage. Crépitation des larmes venues d’un ailleurs lointain raconter la tristesse aux carreaux de mon bureau.

Quelque part dans le monde des gens meurent, de faim, de froid, d’abandon ; au fond d’un lit d’hôpital, sous les balles d’un assassin, les bombes d’une guerre ; dans un accident, un séisme, une tempête, un naufrage… Il est tant de façons de mourir,  tant de façons de léguer la souffrance à ceux qui survivent.

La honte, l’impuissance, le désarroi accompagnent le regard que nous portons sur la mort, car la mort de l’autre est toujours douloureuse.
Un homme, un animal, un arbre, une terre, la destruction d’un être est comme un rêve exhalant son dernier souffle, il s’effondre avec en son dernier regard la lueur de l’incompréhension.
C’est ce regard que m’apporte la pluie ce soir et le carreau me raconte celui de l’éléphant empoisonné pour ses défenses, celui du rhinocéros mourrant de septicémie sa corne tronçonnée, celui du clandestin qui se noie, celui du dealer victime d’un règlement de compte, celui du cancéreux victime de la folie industrielle et des économies de marché, celui de l’enfant soldat privé de rêve, celui du vieillard dont la main orpheline se crispe sur l’absence…

Le vent gémit son impuissance.

Je me sens vide, comme éloignée de moi, égarée ? pas vraiment, lasse ? certainement.
Et pourtant, au travers de ce vide incertain, je perçois comme une sorte de bien-être, une sorte de réalisation nourrie d’abandon. Je sais qu’au fond, sans en comprendre les pas, cette danse absurde est normale. J’expérimente l’usure des galets, l’hypnose. Et tandis que la pluie redouble d’intensité, je perçois, inscrites dans mes chairs, des impressions de pluie qui m’apaisent.
Il n’est plus ni gaieté ni tristesse, je vis un entre deux d’émotion libéré de la pensée et de l’agitation.
Observatrice retirée, la vie, ma vie, toutes ces vies rythmées de morts, sont comme un film qui s’accélère et que j’observe en silence tandis que la pluie s’intensifie et bousculée de vent s’écrase sur les carreaux.

©Adamante (sacem)