Enfant je m’endormais en voyageant dans les mots de silence que me chuchotait le bois du plafond.
Chaque soir une nouvelle histoire surgissait et m’emportait dans sa patience de veine au souvenir de sève. Cette respiration de l’arbre était écrite là, sous mes yeux, elle était témoignage pétrifié des strates des saisons. J’y lisais les irrésistibles appels des printemps qui poussent la nature à ascendre, animée de ce désir frénétique de se mêler au ciel ; les stridulations brûlantes des étés qui accompagnent les transformations vibratoires d’un monde de fougue épris d’expériences nouvelles pour expérimenter la touffeur explosive des orages puis les langueurs assouvies qui y succédaient ; la plénitude des automnes accomplis, monarques des lumières et des saveurs, souverains avertis parés d’or et de rouille ; l’alchimie des hivers méditants et cavernicoles, dont le moindre souffle est avancée -infime mais péremptoire, vers la liberté des surfaces allongées au grand jour-, traversée des ténèbres, initiation des feux descendus de l’éther lutter contre les eaux et ressortir vainqueur, ressourcé et neuf pour recommencer le cycle diurne des transformations.
Je comprenais à lire ce ciel de ma chambre que tous les Êtres, qu’ils soient de chair et de sang, de racines et de branches, portaient en eux les stigmates de ces forces qui les inscrivent dans le grand cercle de la vie.
Et ces histoires, ces épopées, naïves ou enchantées, qui m’emportaient chaque soir vers les rives du sommeil, n’étaient rien d’autre, -avec des personnages différents-, que l’expression de ces forces, une représentation de ce cercle, que me racontait le plafond.
Il n’était aucun signe, aucun visage qu’il me montrait qui échappa à la règle. Si je n’en étais pas consciente alors, je savais que moi-même, en passant de la veille au sommeil, de mon matin à ma nuit, je ne faisais qu’accomplir ce cycle, en plus petit, en plus modeste, qui est le lot de tout ce qui vit et vibre.
Je pressentais que la mort avait sa place dans cette nuit, dans cette traversée des ténèbres, dans cette célébration d’un rite initiatique et confondant. Je pressentais que cette mort ne pouvait être que l’abandon de la lutte du feu contre l’eau redevenue souveraine, reprenant son bien, l’emportant vers un ailleurs qui nous interroge.
Je craignais pourtant que cette initiation d’un sommeil, similaire à ceux qui m’emportaient chaque soir, ne débouchât pour moi sur une nouvelle naissance, m’échouant sur une autre rive, un autre monde, où peut-être un hiver accouche d’un printemps pour poursuivre ce rite incessant des transformations et des engendrements.
Je ressentais cette crainte d’abandonner, de perdre, ceux qui m’accompagnaient ici et que chaque matin me faisait retrouver, soulagée.
Chaque soir me voyait m’aliter en espérant, sans y croire, une éternité de la vie telle que je la vivais le jour.
Mais le plafond fascinateur l’emportait toujours sur ma crainte et je plongeais, sans même m’en apercevoir dans ce sommeil si riche en questions restées sans réponses.
©Adamante
Un livre dans lequel je suis publiée
Un article qui en parle
Quel beau texte, il fait réfléchir. Merci de l'avoir publié dans ma communauté.
RépondreSupprimerJe vais aller voir le lien.
À bientôt Adamante.
Bonjour Nadia, je publie peu mais ta communauté me semblait correspondre, ainsi que deux autres d'ailleurs. À bientôt.
Supprimerle plafond en bois comme un grand livre de la vie,
RépondreSupprimermagnifique texte
Françoise
Merci beaucoup Françoise. Belle journée.
SupprimerUn vrai bonheur !
RépondreSupprimerLe plafond de ma chambre est de bois, aussi je peux comprendre parfaitement ce ressenti bien que, le soir, je ne le vois pas. C'est plutôt au réveil que je l'admire et que je le vois toujours différent.
Là, tu m'as fait toucher à une chose que je ne soupçonnais pas. Je vais le regarder d'une autre manière.
Merci Adamante.
Amitiés.
Merci Pimprenelle, je le regrette ce vieux plafond enchanteur, j'ai passé des heures à le contempler et maintenant il me parle plus que jamais. Amicalement.
SupprimerUn plafond qui nous emmène bien plus loin dans les souvenirs et les réflexions sur notre vie à tous.
RépondreSupprimerMerci, Adamante.
Ton texte est magnifique.
Merci Quichottine, je pourrais dire que je fais la moisson de mes expériences.
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