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09/01/2023

Le silence du Chimborazo

 

Chimborazo

Les herbes rases

Le vent. 


Je bifurque pour m’éloigner du chemin

Je quitte le flot incessant des paroles

Que la raréfaction de l’air ne peut juguler.


Je fuis


Le bruit

La cécité

L’étouffant mépris collectif de 

L’instant présent

Je fuis les émanations stériles de moteur grippé

De cette colonne humaine grimpant vers le refuge

Avant le sommet


Comment peut-on ignorer l’appel de ce Dieu

Minéral, puissamment dressé vers les cieux ?


Assise à même le sol

Sur la caillasse peu amène du volcan

Je me relâche et souris.

La paix, enfin !


J’accueille la parole des pierres

Le chant de l’immensité qui m’entoure

Et surtout

Je m’emplis du silence porteur

De cette vacuité 

Vibrant bien au-delà de l’amour.

J’ai tout oublié.

Un souffle puissant et doux me traverse, et

De mes cellules dilatées

S’élève un chant

Rauque, langue de roches

Colonne tellurique, spontanée

Que mon cœur unifie et ma gorge libère.


Je me fonds dans cette communion

Je me laisse m’y dissoudre.


Et voilà 

Tant d’années plus tard

Qu’aujourd’hui elle m’emplit encore.


Ici, au plus profond de moi

Unie au Chimborazo

Je suis à ma juste place.


Adamante Donsimoni

août 2022 ©sacem

 

Chimborazo : volcan de l'Équateur au Sud de Quito - sommet le plus haut des Andes -




 

09/10/2018

Le silence de la forêt primaire


Retrouver le silence de la forêt primaire, le lourd parfum d’humus sous les pas enfouis.
Quitter les turbulences et les idées râpeuses pour que le cœur enfin s’abandonne au rythme initial de la palpitation du vide où tout est en suspens.
Trouver dans la fournaise le courant de fraîcheur et dans le froid le feu.
Glisser jusqu’au-dedans où l’indéfini commence.
Pénétrer les ténèbres concevant la lumière.
Mourir à tout vouloir pour le rien essentiel et se retrouver nu dans la plus infime des dimensions, reliée à l’immensité.
Oui, vivre la puissance de l’osmose annihilant mots et pensées dans le silence de la forêt primaire.


Adamante Donsimoni(sacem)
23 juillet 2018 après une matinée criblée de verbiages stupides

10/10/2017

Le journal des herbes

 

Sept jours de septembre 2017, passés à écouter les herbes



Vendredi

Des perles de lumière sur les herbes


En cette fin d’été parfumée d’automne, la pluie a maquillé les herbes. L’instant est unique, je suis sous le charme. Tout s’efface qui n’est pas lumière. Je voyage dans une pantoufle de verre* aux pays magique du strass. Je n’attends aucun prince. Et j’ai tout, absolument tout ce dont je peux rêver. Dans cette dimension, les richesses matérielles n’ont aucun sens.
Le diamant, conçu aux feux de la terre, masque sa lumière, le sage ne se répand pas.
Mais les herbes, par leurs racines, connaissent le grand dessous des choses, elles en témoignent. Je découvre la richesse de l’instant qui se donne dans cette symphonie du prisme que le vent balaie emportant avec lui une part de cet éclat d’éternité. J’ai déjà prélevé ma part. À l’éternité du diamant convoité par les Hommes, je préfère ce moment d’éblouissement fugace offert par quelques gouttes de pluie. Il vit désormais aux tréfonds de mes espaces intérieurs.
La Terre connaît trop bien la convoitise humaine. Qui porte la lumière doit la protéger des regards avides.
Voici l’enseignement des herbes ce matin et rien ne m’est plus précieux.

*et non pas vair, par choix délibéré.



Samedi 

Regard


Pas de pluie à mon lever, juste la grisaille du ciel qui réduit les pensées, étrique les mouvements et pousse à la désespérance.
La sagesse serait de puiser à la source de lumière intérieure pour éviter l’écueil d’une journée maussade. De toute évidence je ne suis pas sage ce matin. Je m’assieds sur la marche du perron, regard vague et soupire.
L’herbe croît, plus verte que jamais. Je maugrée. Cet été qui n’en fut pas un, plombe mes pensées. Je pleure sur le froid qui perdure. Il manque au paysage cette touche de couleur chaude qui pourrait rasséréner le cœur le plus effondré. Blasée, j’observe. Et soudain, je vois. Je vois la diversité des formes et des verts. Mon regard éveillé brutalement par je ne sais quelle influence occulte, ne traduit plus une masse, mais une variété phénoménale de l’expression végétale que l’on qualifie d’herbe. Dire que je marche dessus à chaque instant, ignorante des formes et des noms sous le vocable générique d’herbe. Vocable réducteur, témoin du survol de la vie quand on porte des œillères. 
Les herbes ! les femmes ! les jeunes ! les étrangers ! les autres !
L’ensemble est à maudire, taillé comme un jardin français, il réduit à la masse ce que l’on croise. Qu’il soit érigé en critère esthétique ou social, il soumet, dompte, réduit, classifie, refuse, rejette.
La nature se plaît à varier les formes, l’humanité à les réduire. Peur de la différence sans doute !
Encore un enseignement des herbes, la liberté ne s’acquiert que par l’expression libre des formes. La variété est richesse, elle se tisse comme une tapisserie opposant ainsi l’art au bloc.



Dimanche 

Le juste milieu


Une matinée ensoleillée ; s’élancer vers la lumière semble être le mot d’ordre du matin. Tout pointe qui se trouve au centre, mais à la périphérie on s’incline gracieusement vers la terre nourricière. Il apparaît que les plantes, et dans ce cas précis, le chiendent considéré comme une mauvaise herbe, dans leur inconscience apparente et leur mutisme, appréhendent mieux que l’Homme la notion de reconnaissance. Sur une même pousse, le centre salue le Soleil et la périphérie la Terre pour croître harmonieusement. La vie a des règles lorsqu’il s’agit de trouver l’équilibre.
Je me dis que pour progresser sur la voie de la modestie et de la compréhension de notre monde, nous avons beaucoup à apprendre du moindre brin d’herbe. À condition de se poser un instant et de se laisser glisser vers une attention sans but, toutes les sagesses nous sont enseignées, sans mot.
Cela remplit l’esprit, ouvre le cœur, apaise.
Il n’est rien de plus simple et de plus délicat à trouver que l’harmonie.


Lundi 

Flash


Temps couvert, une sorte d’attentisme dense et silencieux recouvre la campagne. Sous le couvercle du ciel, l’heure est à la méditation. Les hautes herbes s’alanguissent, mélange de couleurs vert et paille, aux pieds des rosiers. Leurs flèches maternelles ont déjà rendu leurs semences et la terre a rouvert ses greniers, partout la récolte.
La pente involutive est amorcée, voici que sonne l’appel des terriers, le grand retour à la matrice. Doucement le sang s’alourdit et le mouvement s’apaise. Comme elle est douce cette contemplation des herbes ce matin.
Pendant ce temps, le monde tremble, la Corée du Nord vient d’expérimenter la bombe H… L’humanité, électron libre de la nature… Une erreur.
Une tourterelle, révélée par le bruit métallique de ses ailes, se pose non loin de moi, au pied du tilleul. On se regarde, elle n’a pas peur. Dans sa robe pastel teintée de lilas, elle incarne la douceur, la fragilité. N’est-elle pas une sorte de colombe ? Un symbole roucoulant de la paix ?

Quelques plocs se font entendre. Des oiseaux se baignent aux pierres de mesure en granit remplies d’eau. Dans ce lieu, ce fouillis, plein de vie, tout est sérénité. Ici, rien n’est à l’équerre, la vie s’exprime sans fard, sans faux-semblants.
Non ! je ne cèderai ni à la désespérance, ni à la mélancolie. Soudain un flash m’illumine, je sais, comme on sait une évidence, demain appartiendra à ceux qui auront conservé cette part de nature sauvage au plus profond de leur être.
Concours de circonstance ? Le soleil, absent depuis le lever du jour, fait brusquement son apparition. Je remercie les herbes, ma racine d’éternité vient de s’indurer encore plus profondément dans l’espoir.
Tout est clair, le temps est venu pour moi de récolter ma vie pour le partage.




Mardi 

L’histoire sauvage


J’ai lu dans les empreintes des pattes d’un oiseau, là, sur le monticule de terre d’une cheminée de taupe, tout l’impossible des herbes, l’histoire sauvage. Une racine, quelques tiges, l’attachement à l’essentiel. Fragilité qui s’accroche à la source de vie, têtue et confiante.
Herbes, langues d’oiseau, porte-parole de l’amour en eau et lumière, en sève, en stigmates et pistils, en pollens-brouillard diffusant leurs gamètes en vibrations fertiles.
La vie est son, porté par le silence. Rythme lourd de la matrice accordé aux tambours des chamans.
Voilà l’enseignement des herbes révélé par une patte d’oiseau sur le sol aujourd’hui.



Mercredi 

Après la pluie



Après toute cette pluie, la pomme pourrit sur l’arbre et l’herbe verdit.

L’océan végétal  s’incline en vagues harmonieuses. La chevelure de la terre pousse drue, libre, sensuelle. L’œil bercé par ce flot est aux anges, l’esprit se relâche dans la contemplation. Un paradis chatoyant de verts est descendu dans mon jardin où quelques pissenlits explosent leur dentelle, tandis que leurs cœurs palpitants espèrent en secret l’élixir du soleil.
-Silence ! l’entends-tu cette voix des mondes qui se conjuguent, s’unissent, se tissent dans l’abolition des frontières ?
-J’entends ! Je suis herbe et je danse !
-C’est toi ! l’herbe qui chante les herbes, comme une abeille chante la fleur au printemps.

Après toute cette pluie, la pomme tombée nourrit le merle et l’herbe me nourrit.



Jeudi

Danser sur les plates-bandes


Quelques touffes d’herbes s’enchevêtrent dans les premiers frimas. S’unir pour résister, chez les herbes aussi il semble que ce soit la loi. Voilà ! l’Homme découvre enfin que l’entraide et la communication font aussi partie du règne végétal*. Lui, qui dansait sur les plates-bandes sa grande gigue de la suffisance, en croyant tout savoir se trompait !
À chaque jour sa vérité en somme ! Cela nous laisserait-il quelque espoir ?

Merci les herbes de tant d’enseignements. Voilà qu’au bout de sept jours, je vous observe avec un regard neuf. N’est-il pas temps de se reposer un peu pour assimiler votre enseignement ?
À bientôt vous revoir, Mesdames, que l’hiver qui s’annonce vous soit clément.


*La vie secrète des arbres (ce qu'ils ressentent, comment il communiquent) de Peter Wohlleben Ed. Les Arènes

©Adamante Donsimoni (sacem)




24/03/2017

Pourquoi s’en faire ?




Le petit bonhomme du ciel, le petit bonhomme au gros nez, clope au bec façon Prévert et casquette façon Hardellet, a revêtu sa cape de lumière, sa traîne d’eau.  Super héros des nuages, il s’élance au-dessus du fleuve vers deux amoureux-pétales à peine épanouis, deux amoureux contemplatifs, si absorbés l’un par l’autre qu’ils ne voient pas le petit bonhomme. Il s’agite pourtant, se transforme. 

« Eh ! regardez-moi, regardez votre avenir ! Regardez l’enfant, l’ange, prêt à s’envoler et ce personnage nimbé d’une lumière sombre qui s’éloigne doucement sans faire de bruit pour ne pas vous déranger. » 

Mais le silence recouvre tout, comme la brume recouvre le lac de leurs yeux qui se boivent.
Après tout, à chacun son tour. Le un devient deux, le trois se dessine tandis le quatre s’efface. Chacun sait que le carré est un leurre, que seul le cercle est réel, que seul le cercle n’a pas de fin. Alors, pourquoi s’en faire ?

              ©Adamante Donsimoni (sacem)


 

11/01/2017

Transformer le monde !


Je lis un haïku sur le chant d’un oiseau. Il y a tant de trilles dans mon temple intérieur. Mais quel silence à cet instant autour de moi. Je tends l’oreille, mutisme des gosiers, seul le passage discret de quelques voitures, comme mues par le désir de passer inaperçues, interrompt la torpeur matinale. L’instant se transforme  en un autre au rythme, celui de mes exhalaisons. Je suis, je vis, aventure d’un caméléon qui crapahute dans l’espace-temps, au fond l’important c’est la couleur, l’idée me fait sourire. Ce mimétisme équivaut au silence quand on a conscience que les mots et l’agitation ne sont que fatigue et perte de temps. Le jeu est bien trop prenant pour qu’on s’y laisse prendre, s’en extraire avec élégance et sans hargne, voilà le fin du fin. Dans ce monde déboussolé que certains veulent détruire et d’autres sauver il y a encore des espaces de paix sur l’échiquier de la vie. Et je suis d’accord avec Sylvain Tesson pour dire la vanité des uns et des autres, leur crédulité, nous ne sommes pas là pour transformer le monde mais pour être transformés par lui.

©Adamante Donsimoni (sacem)







10/12/2016

Bien sûr je rêve

Chevaucher le nuage, juste avant l’orage, partir, s’envoler vers l’infini du ciel comme si la terre  m’abandonnait à l’espace, petit point bleu lumineux dans les profondeurs du noir de la nuit étoilée.
Bien sûr je rêve.
En ouvrant les yeux sur les ombres des murs entre lesquels je m’abandonne au sommeil, livrée sans défense à tous les possibles du risque, je sais être en songe et la conséquence d’un rêve. Un rêve qu’un autre, dans une autre dimension peut-être est en train de parcourir.
L’horloge biologique nous oblige à nous abandonner au sommeil. Est-ce pour cela que la nature en son infinie sagacité a créé la nuit pour nous y plonger dès les paupières closes ?
Je n’attends pas de réponse. Il est en moi une profondeur qui ressemble à la nuit dans laquelle je tends à m’enfoncer pour trouver cette joie si paisible à laquelle j’aspire depuis le premier cri. L’abandon m’est devenu une seconde nature, ou peut-être la première, ma nature originelle, celle oubliée une fois la première goulée d’air avalée.
La musique parfois nous convie à ce voyage et des voix nous y projettent. La palpitation des baffles, quand la membrane se gonfle et m’envoie ses vibrations au centre de la poitrine, me mets en un état second. Je reçois de toutes les fibres de mon corps et mes poumons font de moi une chambre d’écho. La voix de la quatrième saison de Léonard Cohen m’envahit jusqu’à ces profondeurs qu’il vient juste de rejoindre. Avec elle j’oublie tout ce qui n’est pas abandon. Je plonge dans cette douceur d’ombre prégnante parcourue d’ondes, c’est l’amour.
La contrebasse rythme ma descente. Les nuages me portent jusqu’aux profondeurs stellaires épanouies tout au fond de moi.

Tout au fond
l’infini
la vie
silence et paix
le vent
libre
le vent et moi
voguant sur les nuages. 


©Adamante Donsimoni (sacem)









22/11/2014

Silence et réalité


Seul le silence me semble réel. Le silence, seul capable de nous extraire de l’illusion, de l’interprétation pour peu que l’esprit se calme, que la parole se taise, que la respiration s’accorde au tout.  Alors, une nuit d’été à la campagne par exemple, la stridulation des grillons, leur frémissement dans les herbes tout cela devient silence, parole nue de la nature.

Qu’en est-il de la vérité ? Toujours si étrangement singulière quand on la nomme et pourtant si multiple. On la dit nue. Nue, comme n’ayant rien à cacher. Sorte de transparence, d’absence sans forme, sans visage. Une épure, une essence, l’évanescence d’une idée. La nitescence des aspirations fondamentales de l’Être sans doute.

Mais qu’en est-il vraiment du silence, qu’est-il, mis à part l’état d’absence de ce bruit, de ce trouble, de ces perturbations qui agacent la paix ?
Parce que le bruit est tout, il est partout, il est concomitant à la vie. Il pulse, rythme, il est repère, sorte d’ancre où s’amarrent les relations sociales et affectives. Il est l’hydre de nos expressions aux cent mille bouches tantôt vociférantes, tantôt annihilantes, tantôt muettes et sans tain. Il est présent sans cesse dans notre dimension, conforme au mécanisme de la vie qui s’exprime à chaque instant de manière audible.

Est-il une dimension qui ignore le bruit ? Le moindre souffle est son que ce soit dans les eaux, dans les herbes, dans les arbres, dans le ciel. La paix qui naît d’un son et nous calme, c’est cela le silence.
Une expression sonore tellement ténue qu’elle confine au mystère. Elle nous attire et nous fait la rechercher.
Le silence est un bruit qui porte vers l’essentiel. Il nous guide, réduit nos attachements, nous libère de l’interprétation et ce faisant nous retire de la confusion. Il nous élève vers la compréhension, le non agir.
Comme une barque glisse au fil de l’eau, livrée aux flots, sans rame, sans désir ni vouloir, on se coule dans le silence.

Silence : sept lettres. Sept : symbole magique de la connaissance et du renoncement.  Sept, pour exprimer l’idée d’un bruit réalisé, égalisé, pacifié, spiritualisé, homonyme de paix.
Bruit et silence ne font qu’un, chacun exprimant à son tour un état d’être. État changeant, suivant le chemin des transformations, le chemin du yin et du yang.
C’est dans ce silence, dans cette absence de pensée, qui n’est autre que la pensée rendue à son degré imperceptible, que naît la paix intérieure, ce repos indispensable à l’esprit pour toucher la vérité.
Témoigner du silence, c’est aborder le vide, le rien, l’absence de formes, de certitudes, de références. C’est quitter le confort du rail, partir à l’aventure sans bagages, s’arracher de tout et d’abord de soi-même, entrer dans la vibration, percevoir l’instant à la fois fugitif et éternel, pénétrer un monde où rien n’est établi, regarder sans  image et entendre sans mot.

Et pourtant j’écris, j’utilise les mots, pour ne pas oublier, pour tenter de retenir cette vérité. Pour la partager, je construis des phrases. J’énonce dans le même temps qu’il n’est pas de certitude, que mon écrit peut-être lui aussi mensonge, son antonyme. L’écrit n’est qu’un témoin imparfait.
Ce que j’écris naît de mon esprit instruit par mon expérience, cela prend forme par ma main. J’en suis l’interprète.
Mais je n’oublie pas que l’écrit divin engendra le blasphème et le blasphème la répression.
C’est  pourquoi je parle du silence, afin que les mots ramènent en nos mémoires qu’il n’est pas de parole infaillible.

Texte protégé SACEM

01/05/2014

Inondation



Un banc dans la boue
le regard s’y repose
en contemplation

l’esprit s’apaise et vogue
sur les rives inondées.

Partout, la force des eaux impose son silence.
Le flot emporte biens et meubles, efface toute certitude, réduit à néant l’idée de la sécurité si chère aux Hommes et leurs larmes stériles gonflent le courant indifférent au désarroi.
Les arbres se reflètent en ce miroir trouble où les herbes se font algues. Dans la nature tout s’adapte. C’est comme si l’éternité enracinait le temps pris au piège des métamorphoses.

Demain la décrue
la boue offerte au soleil
la renaissance.

©Adamante-sacem


13/04/2014

Une nuit de printemps


Dans le silence de la nuit, allongée sous la véranda qui conserve la chaleur du jour, je goûte la paix.
Quelques mouvements furtifs dans les herbes, le chant des grillons, la lumière frémissante de la lune bercent ma rêverie.

Le silence
dans l’instant qui se donne
la renaissance.


Je n’ai conservé qu’une bougie dans le photophore suspendu à une poutre. Sa lueur vacille sous le léger souffle du vent.
Mais, dans le vieux cerisier orné de quelques fleurs encore cette année, la chouette ulule. La lumière, pourtant si faible l’attire et la dérange. J’hésite un instant puis me lève pour éteindre la flamme. Il ne faut pas déranger les habitants du jardin, ils sont les maîtres des lieux en mon absence, moi je ne suis que de passage.



Plus de mouvements
l’instant devient silence
je m’efface, je renais

L’esprit reprend sa place
plus de temps, juste la paix.


©Adamante (sacem)



28/06/2013

Le plafond


Enfant je m’endormais en voyageant dans les mots de silence que me chuchotait le bois du plafond.

Chaque soir une nouvelle histoire surgissait et m’emportait dans sa patience de veine au souvenir de sève. Cette respiration de l’arbre était écrite là, sous mes yeux, elle était témoignage pétrifié des strates des saisons. J’y lisais les irrésistibles appels des printemps qui poussent la nature à ascendre, animée de ce désir frénétique de se mêler au ciel ; les stridulations brûlantes des étés qui accompagnent les transformations vibratoires d’un monde de fougue épris d’expériences nouvelles pour expérimenter la touffeur explosive des orages puis les langueurs assouvies qui y succédaient ;  la plénitude des automnes accomplis, monarques des lumières et des saveurs, souverains avertis parés d’or et de rouille ; l’alchimie des hivers méditants et cavernicoles, dont le moindre souffle est avancée -infime mais péremptoire, vers la liberté des surfaces allongées au grand jour-,  traversée des ténèbres, initiation des feux descendus de l’éther lutter contre les eaux et ressortir vainqueur, ressourcé et neuf pour recommencer le cycle diurne des transformations.

Je comprenais à lire ce ciel de ma chambre que tous les Êtres, qu’ils soient de chair et de sang, de racines et de branches, portaient en eux les stigmates de ces forces qui les inscrivent dans le grand cercle de la vie.

Et ces histoires, ces épopées, naïves ou enchantées, qui m’emportaient chaque soir vers les rives du sommeil, n’étaient rien d’autre, -avec des personnages différents-, que l’expression de ces forces, une représentation de ce cercle,  que me racontait le plafond.

Il n’était aucun signe, aucun visage qu’il me montrait qui échappa à la règle. Si je n’en étais pas consciente alors, je savais que moi-même, en passant de la veille au sommeil, de mon matin à ma nuit, je ne faisais qu’accomplir ce cycle, en plus petit, en plus modeste, qui est le lot de tout ce qui vit et vibre.

Je pressentais que la mort avait sa place dans cette nuit, dans cette traversée des ténèbres, dans cette célébration d’un rite initiatique et confondant. Je pressentais que cette mort ne pouvait être que l’abandon de la lutte du feu contre l’eau redevenue souveraine, reprenant son bien, l’emportant vers un ailleurs qui nous interroge.

Je craignais pourtant que cette initiation d’un sommeil, similaire à ceux qui m’emportaient chaque soir, ne débouchât pour moi sur une nouvelle naissance, m’échouant sur une autre rive, un autre monde, où peut-être un hiver accouche d’un printemps pour poursuivre ce rite incessant des transformations et des engendrements.
Je ressentais cette crainte d’abandonner, de perdre, ceux qui m’accompagnaient ici et que chaque matin me faisait retrouver, soulagée.
Chaque soir me voyait m’aliter en espérant, sans y croire, une éternité de la vie telle que je la vivais le jour.
Mais le plafond fascinateur l’emportait toujours sur ma crainte et je plongeais, sans même m’en apercevoir dans ce sommeil si riche en questions restées sans réponses.

©Adamante

                                                          Un livre dans lequel je suis publiée 

                                                          Un article qui en parle