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Illustrations Adamante |
Un
matin, il y a de ça fort longtemps, un jardinier avait brûlé les herbes de son
vieux jardin, il avait décidé de le refaire, plus beau, plus harmonieux, afin
d’y finir ses jours. Il ne restait
plus que de la cendre sur la terre.
Satisfait
de son travail, il s’était mis à réfléchir devant cette étendue vierge et
prometteuse.
Quel
aspect aurait donc le nouveau jardin qu’il allait planter là ? Il ferma les
yeux et se mit à rêver.
Il
échafauda des plans, modifiant à l’envi dans son rêve, le parcours d’une allée,
l’emplacement d’une tonnelle où goûter l’ombre l’été, celui d’un bassin où
nageraient des poissons plus merveilleux les uns que les autres et où
viendraient boire les oiseaux…
Il
souriait, s’imaginant se promener dans ce parc enchanteur et changeant sans
cesse la disposition des plans pour atteindre la perfection.
Mais
pendant qu’il rêvait, pendant qu’il faisait et défaisait ses plans, les ronces,
toujours promptes à envahir les espaces abandonnés, proliférèrent tant et tant
qu’on ne vit plus un seul espace de terre vierge.
Un
jour, en sortant de son rêve, car il faut bien que les rêves aient une fin, le
jardinier découvrit son jardin mangé par les ronces et les mauvaises herbes.
Éploré
devant un tel malheur, il se mit à gémir, il avait fait tout ce travail pour
rien, pour avoir pire qu’avant. Il avait détruit un beau jardin et l’avait offert
en cadeau aux ronces.
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Il découvrit son jardin mangé par les ronces |
Alors
il se mit à le regretter son vieux jardin imparfait. S’il n’avait pas été pris
de cette folie de détruire, il aurait pu maintenant se reposer à l’ombre des
forsythias, il aurait pu écouter chanter les oiseaux dans un décor enchanteur
et profiter de ce lieu pour y reposer sa vieillesse… Car il avait beaucoup
vieilli. Les rêves, ça prend du temps si l’on n’y prend garde.
Ses
larmes se mirent à couler, à couler et plus elles coulaient, plus son vieux
jardin lui paraissait plus beau et plus il en avait de regret. Il fut pris de
désespoir devant tant de beautés perdues, ses larmes nourrissaient ses larmes,
elles étaient intarissables. Elles ruisselaient sur la terre et plus elles
ruisselaient plus le roncier assoiffé proliférait. L’espace qu’il occupait
devint impraticable, c’était une forêt plus impénétrable que celle qui
entourait le château de la Belle au bois dormant.
De
ruisseau, ses larmes devinrent un fleuve, le fleuve à son tour devint une mer,
une mer salée comme les larmes et le jardinier désespéré, affaibli, un soir de
pleine lune, fut emporté par une vague.
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Ses larmes se mirent à couler, à couler... |
Jamais
personne ne le revit, il s’était sans doute noyé dans son chagrin.
Voilà
pourquoi, quand on raconte son histoire, comme je vous la raconte maintenant, à
la veillée, à l’heure où les ombres dansent menaçantes sur les murs, on
conseille à ceux qui écoutent et qui rêvent de toujours garder un œil ouvert.
Que
ce conte vous fasse un heureux jour.
©Adamante Donsimoni (SACEM - SACD)
un conte plein de sagesse qui confirme mon intuition d'adolescente qui préférait de beaucoup Rabelais et Montaigne à Descartes dont je résumais la pensée (raccourci audacieux j'en conviens) à une phrase : "faisons du passé table rase"
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup aussi évidemment tes illustrations
Garder un oeil ouvert... et surtout ne rien détruire avant que ce qui doit naître sur les ruines ne soit prêt à être mis en place.
RépondreSupprimerNous détruisons trop vite, et nous laissons trop de lieux à l'abandon.
Ton conte est magnifique, Adamante, merci pour tout.
J'ai adoré ce contente!...Un moment de sagesse et de poésie.
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