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17/03/2024

lecture à la librairie Tropiques


J'aurai le plaisir d'être accompagnée 

par Sylvie Gabrielle pour la lecture.





Librairie TROPIQUES

 https://www.librairie-tropiques.fr/demandez-le-programme.html#donsimoni


56 et 63 Rue Raymond Losserand 75014 Paris.   

01 43 22 75  95





06/03/2023

Grand Mi

 

Acrylique Adamante -Tiré du livre le Faiseur d'Accueil
Prix Jules Supervielle 2022 de la Société des Poètes Français.



Grand-Mi

 

 

    Le feu crépite dans la cheminée. Son souffle accompagne les murmures de la nuit qui parcourent les ombres environnant la campagne. 

    Dans la vieille maison, tandis que les langues de l’enfer s’agitent sur les bûches, balayée par les lueurs de l’âtre, la vieille pendule semble sommeiller tandis que l’assistance attend religieusement dans la pénombre que Grand-Mi se décide à parler. Tous les regards sont tournés vers Elle, conteuse et doyenne du village. Ici on dit d’Elle que c’est « Celle qui sait » et on la respecte. Elle n’oublie pas Grand-Mi. Elle n’oublie jamais. Ce qui s’est passé avant, ce que lui ont raconté ses grands-parents qui le tenaient eux-mêmes de leurs ancêtres, elle en est la précieuse récipiendaire. 

    On appelle ça la transmission orale, car au temps des contes, un temps qui remonte à fort loin, ceux du pays ne connaissaient le papier que pour les choses de bien, chez le notaire. Les bibliothèques, c’était pour les riches, pour ceux qui pouvaient envoyer leurs enfants à l’école. Chez eux l’histoire c’était dans la tête qu’elle se conservait, et c’était par le dit qu’elle se transmettait, pas par l’écrit. À chaque génération, c’était à celui qui mémorisait le mieux et qui avait le don de dire que revenait le titre de conteur. 

    Certes, ceux qui reprenaient le flambeau l’enjolivaient un peu l’histoire quand c’était une histoire d’amour, ou ils la rendaient encore plus redoutable quand elle parlait de bandits de grands chemins ou des Dames blanches qui entraînaient les fêtards avinés dans des limbes d’où ils ne revenaient jamais. Il fallait bien que chacun y mette un peu du sien pour se l’approprier. Mais les histoires poursuivaient leur chemin d’aïeule en aïeule, c’est ainsi qu’elles étaient arrivées jusqu’à Grand-Mi et jusqu’à nous. 

    « Ouvrez grands vos oreilles tous, et vous aussi les petits car demain c’est vous qui serez en charge de dire et de transmettre. Tant que vous vous souviendrez le pays vivra, oubliez, et il mourra. Mais avec sa mort c’est une part de vous qui disparaîtra, car sachez-le, rien ne peut vivre sans racines »


racine coupée

la tête ploie le corps chute

la flamme s’éteint


malédiction de l’oubli

sans passé pas d’avenir



Adamante Donsimoni – 4 mars 2023




                    Je vous invite à découvrir la photo de la double page concernée par l'image. 


La qualité laisse un peu à désirer, je vous mets donc le texte ci-dessous.



Il y eut beaucoup de fois…


    Le fauteuil, avec sa paille usée par les frottements répétés des jupes et

des pantalons, a grincé bien souvent sous les mots des conteurs.

    De génération en génération, ils ont ponctué leurs dits des mouvements

de leurs corps. Car le conte prend possession du corps, il est l’enfant en

gestation qui naît à chaque phrase et respire en son souffle.

    L’incessant frottement des fessiers accompagnant l’intrigue a patiné la

paille, l’a rongée, l’a tannée, l’a modelée de leur mémoire.

    Parfois, quand vient la nuit, à l’heure de la veillée, le fauteuil se

souvient.

    Et quand un nouveau conteur prend place entre ses bras usés, il capte

les murmures qui remontent le temps. L’auditoire frémit à l’écoute des

voix qui se mêlent à la sienne.

 

Il était une fois

            Il était une fois

                        Il était une fois...

                                    L’immortelle sagesse des contes.


13/07/2018

Les larmes du jardinier



Illustrations Adamante



Un matin, il y a de ça fort longtemps, un jardinier avait brûlé les herbes de son vieux jardin, il avait décidé de le refaire, plus beau, plus harmonieux, afin d’y finir ses jours.  Il ne restait plus que de la cendre sur la terre.
Satisfait de son travail, il s’était mis à réfléchir devant cette étendue vierge et prometteuse.
Quel aspect aurait donc le nouveau jardin qu’il allait planter là ? Il ferma les yeux et se mit à rêver.
Il échafauda des plans, modifiant à l’envi dans son rêve, le parcours d’une allée, l’emplacement d’une tonnelle où goûter l’ombre l’été, celui d’un bassin où nageraient des poissons plus merveilleux les uns que les autres et où viendraient boire les oiseaux…
Il souriait, s’imaginant se promener dans ce parc enchanteur et changeant sans cesse la disposition des plans pour atteindre la perfection.

Mais pendant qu’il rêvait, pendant qu’il faisait et défaisait ses plans, les ronces, toujours promptes à envahir les espaces abandonnés, proliférèrent tant et tant qu’on ne vit plus un seul espace de terre vierge.

Un jour, en sortant de son rêve, car il faut bien que les rêves aient une fin, le jardinier découvrit son jardin mangé par les ronces et les mauvaises herbes.
Éploré devant un tel malheur, il se mit à gémir, il avait fait tout ce travail pour rien, pour avoir pire qu’avant. Il avait détruit un beau jardin et l’avait offert en cadeau aux ronces.

Il découvrit son jardin mangé par les ronces

Alors il se mit à le regretter son vieux jardin imparfait. S’il n’avait pas été pris de cette folie de détruire, il aurait pu maintenant se reposer à l’ombre des forsythias, il aurait pu écouter chanter les oiseaux dans un décor enchanteur et profiter de ce lieu pour y reposer sa vieillesse… Car il avait beaucoup vieilli. Les rêves, ça prend du temps si l’on n’y prend garde.
Ses larmes se mirent à couler, à couler et plus elles coulaient, plus son vieux jardin lui paraissait plus beau et plus il en avait de regret. Il fut pris de désespoir devant tant de beautés perdues, ses larmes nourrissaient ses larmes, elles étaient intarissables. Elles ruisselaient sur la terre et plus elles ruisselaient plus le roncier assoiffé proliférait. L’espace qu’il occupait devint impraticable, c’était une forêt plus impénétrable que celle qui entourait le château de la Belle au bois dormant. 
De ruisseau, ses larmes devinrent un fleuve, le fleuve à son tour devint une mer, une mer salée comme les larmes et le jardinier désespéré, affaibli, un soir de pleine lune, fut emporté par une vague.

Ses larmes se mirent à couler, à couler...

Jamais personne ne le revit, il s’était sans doute noyé dans son chagrin. 

Voilà pourquoi, quand on raconte son histoire, comme je vous la raconte maintenant, à la veillée, à l’heure où les ombres dansent menaçantes sur les murs, on conseille à ceux qui écoutent et qui rêvent de toujours garder un œil ouvert.

Que ce conte vous fasse un heureux jour.

©Adamante Donsimoni (SACEM -  SACD)