Il pleut.
Dans l’air froid et triste,
le quotidien paraît sans saveur. Le regard, indifférent comme fixé au-dedans,
retiré dans les profondeurs, accompagne les gouttes qui suivent sagement la loi
de la pesanteur, se coller et glisser par la voie la plus rapide.
Mais parfois, est-ce à cause
du flot qui ralentit la course, une goutte hésite, dévie pour suivre un chemin
parallèle, ouvrir une autre voie, explorer l’inconnu. Elle quitte le rail.
Mais déjà, dans l’univers limbique,
le ballet hypnotique imprime ses images. Derrière le regard inconscient la
vigilance est en éveil. Elle interprète, crée, s’abstrait de la routine, enfante
la magie. Alors sur le carreau perlé de pluie, des chevaux d’écume pénètrent le
champ visuel. Ce tsunami hippique exprime la métamorphose. Rêve d’une petite
couseuse attendant son époux que quelques sirènes informes, à peine esquissées,
retiennent par la voix dans l’univers épique d’un mythe. Là, la faim se cache,
non « dans un champ pierreux » où grincer des mâchoires, mais dans un
tourment d’ondes vomissant des démons prêts à dévorer le héros assoupi.
Le char des légendes
Ovidiennes surgit, éclaboussant le matin. Il s’effacera au premier rayon du
soleil.
Dans la chambre aveugle
« Ulysse » poursuit son rêve, il dort. Il est trop tôt.
Dans la cuisine
« Pénélope » attend, tout engluée de nuit. Devant son premier café, elle
tente de s’extraire de ses limbes.