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09/05/2023

Soirée au salon de musique





    Dès l’arrivée nous comprenons, en acquittant notre droit d’entrée, que nous sommes bien plus qu’un public venu écouter un concert. 

    La vieille et belle bâtisse nous enveloppe de sourires. La bienvenue se dit là dans la vibration du lieu. Passée la porte, c’est la joie, nous devenons des convives de marque, nous pénétrons un univers parallèle où le passé nous accueille, débarrassé de la poussière et des codes surannés accompagnant notre imaginaire des salons d’autrefois. 

Ici, c’est l’âme de la musique qui nous embrasse, le plaisir des notes offertes à des jardins intérieurs assoiffés d’écoute. 

    Après avoir bu les meilleurs millésimes, dont l’interprétation vous met les larmes aux yeux, millésimes offerts ce soir par le piano et la flûte, quand le cœur se dilate, comme il est bon de goûter ces intermèdes de silence durant lesquels tout s’apaise afin de nous offrir de poursuivre le voyage vers d’autres émotions, d’autres plages de couleurs. 

L’âme a besoin de musique pour ne pas se dessécher, pour retrouver sa toute puissance originelle. 

    Le dernier silence qui précède l’ovation flotte dans le salon comme un parfum de gardénia, ce qui pourrait n’être qu’une fin est de fait un commencement. Nous avons grandi, nous avons acquis cette plénitude de l’Être, cette profondeur qui nous rend meilleurs, et que nous porterons comme un secret induré dans la chair. Je n’en doute pas, nos cellules ont besoin de cette nourriture qui est du domaine de l’air, du prégnant.         Quelle merveille que ce que nous sommes ! 

    Après cette dilatation, nous sommes invités à quitter l’étage, à nous enfoncer, marche à marche, dans les effluves appétissantes émanant de la cuisine. L’hôtesse, encore une fois s’est dépassée. Le plaisir plus prosaïque de la table nous attend. Le jeu des échanges reprend, on se congratule, on tente de mettre des mots sur l’indicible, on félicite les artistes. On évacue peut-être ainsi ce qui pourrait bien être un trop plein de Divin. 

    Mais, quand au moment du départ, la voix du piano nous invite à regagner l’étage où se trouve notre hôtesse, nous voici quelques-uns à poursuivre le rêve. Une toute jeune fille, un peu troublée par l’assistance, une débutante virtuose, fait danser ses mains sur le clavier. 

    Soudain, un froid glacial me parcourt. Il me semble avoir remonté le temps, tout semble identique mais je sais, cela est illusion, sous un même aspect, tout est différent.     La maison vibre des sons d’un passé, ils rayonnent à cet instant de ses pierres, l’Esprit du lieu s’exprime. Appuyée contre le chambranle de la porte je suis témoin d’une scène remontant du fond des âges qu’une brèche du temps m’invite à partager. 

    Malgré le froid, malgré le trouble, ce que je vis là est un grand moment d’amour de la vie, la vie dont nous savons si peu de choses, et qui contient tant de merveilles et de mystères. 

    Quand la nuit accompagne mon retour, seule dans ma voiture, je sais poursuivre mon voyage avec le goût d’être d’un monde où chaque instant est une ode à l’accueil et au partage. 

    C’est si simple le bonheur. 


Adamante Donsimoni -©musicstart-sacem -  30 avril 2023 

02/02/2023

Les murs de l’hiver

   
    Je n'ai pas pour habitude de poster ici des textes trop longs, mais j'avais envie de vous présenter ce qui est l'esquisse d'une idée, celle d'un futur livre peut-être où il sera sans doute beaucoup question de la Creuse.
    Et merci de votre visite. 
Adamante 

      Les murs de l’hiver



    L’hiver quand il neige et que la nuit s’annonce généreuse de flocons il faut être prévoyant. Il est souhaitable d’avoir une pelle à la maison. C’est peut-être à cette condition qu’au matin il sera possible de sortir de chez soi. 
    Antariaux, février mille neuf cent cinquante-six. Après un mois de janvier printanier, il a neigé le jour et la nuit durant. Les heures enveloppent la nature et les maisons d’un silence de plus en plus épais. Rien ne dure, chacun ici le sait, mais dans cette campagne muette l’instant semble s’éterniser. Dehors les températures sont extrêmes et le vent qui se lève renforce la sensation du froid, il gémit à la fenêtre bousculant les flocons et dressant les congères.
    Certains cette nuit-là ont rendez-vous avec la mort comme Maxime Gobillard, toute première victime, retrouvé pétrifié place Marceau à Limoges. En Creuse, à la Courtine, le thermomètre chute jusqu’à moins vingt et un degrés. Partout les routes sont impraticables. Les villages sont isolés et le froid condamne les plus démunis. Ils décèdent suite à une congestion, qui dans sa cabane, qui sur le chemin, incapable de se relever après une chute, qui encore sur la route, victime du blizzard. Le froid est redoutable quand on manque de tout. 
    Au matin, la lourde porte en bois de la maison familiale s’ouvre sur un mur blanc. Sensation oppressante que de se sentir piégé dans sa propre demeure. La pelle entre en action. Le froid en profite pour s’immiscer dans la grande salle où le feu continue de ronfler dans la cheminée. Mais pour sortir il faut dégager un accès vers le chemin principal, prendre des nouvelles des voisins, se libérer coûte que coûte de cette sensation d’étouffement. 
    L’enfant se souvient. Le passage une fois dégagé, elle marche entre deux murs qui occultent le paysage. Il n’y aura pas classe aujourd’hui, c’est une joie, mais elle a beau aimer la neige, son ressenti est désagréable entre ces murs plus hauts qu’elle. Avec cette absence d’horizon, elle vit un enfermement en plein air. 
    Son père alors la prend sur ses épaules, la vue se dégage, elle voit loin. Dominant la campagne, elle découvre un monde d’une pureté éblouissante. Tout est si blanc sous les premiers rayons du soleil, elle est obligée de cligner des yeux. Une pureté pareille n’est sans doute pas faite pour être contemplée trop longtemps, d’autant que le froid commence à faire sentir sa morsure au travers de ses vêtements. Il est temps de rentrer.     
    De retour auprès du feu, la famille se rassemble pour se réchauffer et le corps et le cœur d’une bonne tisane de thym sucrée avec le miel des abeilles de pépé. L’enfant a une pensée pour les ruches, pépé a dû anticiper et les protéger de son mieux.
    Il flotte dans l’air une sensation de bien-être et de joie simple. Pépé lui répète qu’il faut bien travailler à l’école pour réussir sa vie, c’est son leitmotiv. Elle lui sourit mais son attention est ailleurs. L’idée de réussir sa vie est un concept bien trop abstrait pour susciter son intérêt alors que devant elle les bûches l’invitent à voyager au travers du bois qui se fend, craque en gerbes d’étincelles sous la voracité des flammes. Cette beauté la captive. 
    Elle est déjà très loin. Les yeux rivés sur les flammes elle a quitté la pièce, elle pérégrine dans un autre univers. Elle accueille, se confond aux formes, aux couleurs, au moindre bruit, au plus discret chuintement des braises qui soupirent. Elle est ce feu qui chante, se cabre, parfois se cache à l’intérieur des bûches noircies pour réapparaître soudain en fusant joyeusement vers l’ombre du conduit de la cheminée.
    Bien au-delà, un monde impalpable qu’elle serait incapable de nommer s’exprime au centre de sa poitrine. Le feu a révélé le pouvoir de l’amour sorcier, ce sentiment qui crée et consume tout à la fois, faisant se mêler le début et la fin, la tristesse et la joie ; à cet instant elle comprend que la mort fait partie de la vie, qu’elles sont indissociables. 
    Ce soir en France, il neige dans beaucoup de régions, mais pas ici malgré les prévisions de la météo. Le ciel semble l’annoncer pourtant mais pour l’instant il la retient, comme un bien précieux que l’on souhaite conserver encore un peu avant de lui donner sa liberté.
    Assise sur le canapé où j’écris, je voyage à travers les mots qui se donnent aux lignes et relatent un temps à la fois proche et lointain, un temps inscrit au-dedans du corps pour assouvir l’immense désir de l’Esprit. Désir de neige, de ses hypnotiques flocons.

 Adamante Donsimoni 23 janvier 2023 ©sacem

17/10/2022

La pierre du Sergent

 

Photo D18 à la sorite de Maneyreaux vers La Gorce - Creuse





   La petite route de campagne bordée de fleurs des champs, bruissante comme une ruche, se souvient de tous ces pas imprimés dans ses couches successives d’asphalte. Ô combien de nostalgie perdurent dans ces herbes qui semblent immortelles


ils allaient gaiement

suivant les bœufs attelés

au rythme de l’Homme


   Comme ils étaient vieux et ridés aux yeux de l’enfant, ces paysans burinés de soleil et de grand air. Chaque année un sillon venait sculpter leurs visages. La mer est loin d’ici, mais même à la campagne, la peau, au fil des saison, se ravine avec le vent, avec les pleurs. Je me souviens…


le Sergent, assis

sur la pierre du chemin

là-bas, tout au bout


derrière la trouée du ciel

qui mène à mes souvenirs


   Alors que nous rentrions de l’école, poussant nos vélos jusqu’au sommet de la côte de l’étang, il nous attendait en appui sur sa canne. Là il nous racontait la grande guerre et nous donnait des conseils que nous n’écoutions pas


détails perdus

mais permanence d’instants-

curieuse mémoire


   La pierre porte désormais le nom de « la pierre du Sergent ». Les histoires se transmettent aux nouvelles générations qui imaginent et se forgent des racines. La Terre a de ces histoires qui vous touchent au plus profond


qu’est-ce qu’une pierre ?

un homme un jour s’y assoit

et l’histoire se dit.

 

Adamante Donsimoni 14 octobre 2022 - ©SACEM 



D'autres textes ici L'HERBIER DE POÉSIES 

24/01/2021

Tableau champêtre

 

Photo Nathalie Guillon-Manaud© -scène d'hiver en creuse-





Quand l’herbe se raréfie, que le givre craque sous les sabots, le foin s’invite au pré. L’image est idyllique.


quelques bêlements-

succulence d’herbe sèche

la joie du troupeau


Les arbres se floutent. Cette petite coquetterie masque l’absence des feuilles. Quelle joie que de marcher dans cette campagne tissée d’éternité. 


Jean-François Millet

aurait aimé la Creuse,

la douceur du lieu


Les brebis sereines regroupées autour de la mangeoire, quel tableau ! Tandis que les unes, l’œil mi-clos de plaisir, mastiquent ce foin à la fois nourriture et litière, d’autres repues s’y reposent. Quelques curieuses fixent l’objectif venu dérober leur image


épaisse toison

manteau gainé de suint

défaite du froid.


Adamante Donsimoni ©sacem

21 janvier 2021


L'Herbier de Poésies Page 169