Tache de sang
sur le rire des herbes
que la lumière éclabousse.
Elle rêvait d’un métier où glisseraient entre les fils de trame les
mains expertes d’un lissier.
Fille d’une bouture oubliée,
elle était éclose dans le massif où dominaient des rosiers de haute lisse. Elle
s’épanouissait timidement, avec des allures de bouton avorté. Mais elle était
tellement attirée par la lumière qu’elle avait décidé de devenir fleur. Passé
sa première nuit, surprise : elle incarnait la perfection en miniature.
Des pétales jaunes, blanchis
par le temps, étaient venus s’échouer à ses pieds, offrant à sa beauté un tapis
de lumière.
Je m’étais arrêtée, je
m’étais accroupie et, dans le silence de nos âmes, je l’avais accueillie. Puis,
sachant la durée éphémère de sa vie, je l’avais « immortalisée »,
tout au moins le temps de ma propre durée, car il n’est aucune photo pouvant
immortaliser sa prise.
Bien après qu’elle eut
disparu, en regardant son image parmi la moisson de l’été, j’ai senti vibrer en
moi l’écho de sa courte vie. Elle me parlait encore, elle vivait là, quelque
part en moi. Alors, répondant à son appel, je me suis emparée de ses formes, de
ses couleurs, j’ai tenté, avec mes modestes moyens, mais avec toute la force de
mon âme, de satisfaire son attente : elle rêvait d’un métier où
glisseraient, entre les fils de trame, les mains expertes d’un lissier.
J’en ai fait une image à la
façon des cartonniers* et son rêve est devenu mon rêve.
Qui sait, un jour, un lissier* la regardant lui offrira un
ultime hommage, une place entre les fils de trame de son métier où glisseront
ses mains expertes.
©Adamante (sacem)
*termes utilisés à Aubusson, capitale mondiale de la
tapisserie où j’ai appris à dessiner.