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24/02/2017

Le petit cheval dort



Il dort et se confond à l’herbe, au soleil.
Il dort, il rêve.
Il dort.
La terre le berce
Désir de chevauchées débridées dans des paysages où la paix arc-en-ciel ensemence la vie en joie et en couleurs.

Il rêve.
Un autre, pour le réveiller ? lui murmure à l’oreille ses envies de galops dans des paysages sans frontière. Invitation à hennir jusqu’à l’infini de la lumière.
Deux crinières flottant jusqu’au bord du ciel, ivres de libertés.
Le rêve.

De l’autre côté de leur monde, un peintre les observe.
Il s’identifie à son œuvre.
Il se rêve cheval, assoupi dans une apothéose mystique de formes et de couleurs.

Rêveur rêvé engendré par le rêve.

Quelques lignes se déforment. Prémisses d’angles interrompant la courbe, évasion.
Il faut sortir du cadre !
    Il faut sortir du cadre !
        Il faut vivre la transcendance.

Les pigments explosent, irradient la feuille.
Les dimensions s’imbriquent.
S’évader !
Ne plus entendre ces grondements annonciateurs de ténèbres.
L’éclat, il faut l’éclat.
Mais bientôt, un autre éclat. La main vaincue déposera la brosse.
Ce sera le grand silence du sang versé.

Et là, sur le papier, couché, toujours rêvant, le petit cheval dort.
Je le regarde. Quelle lumière ! C’est doux comme un regard d’enfant émerveillé.
Mais, couché sur le flanc, son image m’évoque alors un tout autre sommeil.

Dehors le vent souffle sur ma nuit blanche sa vaine tentative de me masquer les grondements d’un monde au bord de la rupture.
Rejouerons-nous encore cette partition de cauchemar si souvent interprétée jusqu'à l’écœurement ?

Le petit cheval dort et se confond à l’herbe…
Mon cœur à la fois lourd et ouvert s’incline ; j’accueille.
Ma seule puissance est l’abandon, la vacuité de l’amour dans le non agir.

Le petit cheval dort.
Paix arc-en-ciel de la lumière.

©Adamante Donsimoni (sacem)
23 février 2017
D'après une aquarelle de Franz Marc 


  Franz Marc "Chevaux rêvant" 1913 - Aquarelle sur papier
 






11/01/2017

Transformer le monde !


Je lis un haïku sur le chant d’un oiseau. Il y a tant de trilles dans mon temple intérieur. Mais quel silence à cet instant autour de moi. Je tends l’oreille, mutisme des gosiers, seul le passage discret de quelques voitures, comme mues par le désir de passer inaperçues, interrompt la torpeur matinale. L’instant se transforme  en un autre au rythme, celui de mes exhalaisons. Je suis, je vis, aventure d’un caméléon qui crapahute dans l’espace-temps, au fond l’important c’est la couleur, l’idée me fait sourire. Ce mimétisme équivaut au silence quand on a conscience que les mots et l’agitation ne sont que fatigue et perte de temps. Le jeu est bien trop prenant pour qu’on s’y laisse prendre, s’en extraire avec élégance et sans hargne, voilà le fin du fin. Dans ce monde déboussolé que certains veulent détruire et d’autres sauver il y a encore des espaces de paix sur l’échiquier de la vie. Et je suis d’accord avec Sylvain Tesson pour dire la vanité des uns et des autres, leur crédulité, nous ne sommes pas là pour transformer le monde mais pour être transformés par lui.

©Adamante Donsimoni (sacem)







27/12/2016

Mes vœux pour 2017






HI K'ANG

Le chevalier est étranger à notre monde;
Spontanément il se nourrit de nuées roses,
Son corps libre de liens révèle un dieu caché,
Et sa parole atteste un génie recueilli.

Dans la foule, il combat les opinions communes;
Il cherche la montagne, ami des solitaires.
Les plumes du phénix se brisent quelquefois;
mais qui pourrait dompter une âme de dragon ?

Yen Yen-tche (384-456 dynastie Song)
Anthologie de la poésie chinoise classique.  Gallimard


Se nourrir de nuées roses est une aptitude des immortels (taoïsme)
 

07/12/2016

J'ai déjà rendu l'âme



Je le sais, mon monde bascule. Il y a dans l’air comme une brume, une ombre piquée de lumières, l’épaisseur d’une porte déjà franchie. Le ciel s’ouvre et ma racine terrienne se détend, s’apaise dans la vacuité qui prend source dans ma poitrine. Je me demande où est mon corps dans cette perception infinie. C’est important, c’est essentiel et cela efface tout ce qui est anodin, ce qui ponctue une journée par exemple, ces gestes répétés que l’on fait sans y faire attention, ces gestes qui soudain s’amplifient jusqu’à la dimension divine. Une dimension sans dieu où je suis  à la foi forme et indéfinie. Deux mondes en fusion orgasmique qui effacent tout de l’un et de l’autre pour me laisser dans cet entre-deux vibratoire où la joie me donne envie de pleurer. J’aime cette sensation de faiblesse qui est dilution, confiance et force absolue. Je suis à ce point dans l’abandon que rien ne pourrait m’atteindre ou me détruire, j’ai déjà rendu l’âme. Perception d’une palpitation de la chair irriguée d’un sang neuf et conscient de sa chaleur, parcourue de frissons offerts à la froidure et aux morsures des saisons qui s’enchaînent avec la régularité d’un métronome détaché des attaches qui font le mouvement. Je ne sais si j’avance, si je suis en suspens. Je touche en même temps le fond du gouffre et l’apex du ciel. Dans ma poitrine, je vis la dilatation, j’en connais le centre et le rayonnement jusqu’aux confins d’un monde qui se rétracte au même instant. C’est à la fois une immense et minuscule respiration. Tout est là, poussière qui ne demande qu’à prendre forme et se plait à attendre. Je me coule dans cette attente, ici j’ai tout, en tristesse et en joie mêlées. Je n’ai besoin de rien, je sais en moi un monde près à surgir et cela me suffit.

©Adamante Donsimoni (sacem)
11 novembre 2016 

25/11/2016

Le bassin aux poissons rouges



Dans le trouble des eaux où pourtant se reflète le ciel, quelques herbes aquatiques se balancent, doucement. Les yeux se perdent, s’oublient, boivent les nuages où se pose une libellule. La dimension de l’air fait place à celle des flots. C’est au-dedans que l’histoire se raconte, là où les poissons se rassemblent, en un conciliabule muet, pour une danse entre deux eaux. Accomplissement du rituel hermétique des concentrations, défi à la prétention humaine de tout savoir.
Dessous, une source sourdant de la vase fait bouger les papyrus. Ils s’inclinent et parfois se brisent. Une trop grande inclination envers cette déesse qui les nourrit leur a fait perdre la tête, à moins que ce ne soit le vent un peu trop brutal qui les a fait plier. Tout ne peut se résumer à l’interprétation humaine d’une quelconque déité qui les inciterait à se pencher ainsi avec dévotion affrontant le péril du pourrissement. Les herbes savent mieux que les Hommes qu’elles sont une part, une expression d’un Tout, au départ indifférencié, qui selon son gré prend formes, se plaisant à les multiplier. C’est lui le père-mère de la grande fratrie de la nature.
C’est sans doute la recherche de cette paix propre aux bassins qui fait s’asseoir auprès d’eux les rêveurs, les poètes et les philosophes, les vieilles gens et les enfants. Ils viennent y goûter un peu de la sagesse des mers, abandonnant pour un instant leur univers de dysharmonie où, par la répétition des fables du mental, ils risquent la mort par le dessèchement du cœur.

©Adamante(sacem)