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27/06/2022


Photo ©Adamante Donsimoni



 

Le chat de la lézarde



Le chat s’est faufilé par une lézarde du mur de la maison de retraite. 


je le vois de dos

il observe le jardin

caché à mes yeux


Derrière ce mur vieillissant sous l’effet des intempéries, d’autres se lézardent, sans bruit, isolés du monde, privés de vie, effacés aux regards. Il est de bon ton dans notre société de masquer ceux qui dérangent.


un monde sans vieux 

le doux rêve du jeunisme 

illusion des murs


Mais la mort, face cachée de la vie, se moque de la peur, aucun mur n’y peut rien. Le temps, l’usure lui ramènera, à leur tour, ceux qui la fuient. 


première ride

prémisse d'un adieu

un sillon de tendresse


on peut lire sur un visage

le grand art de la vie.

 


Adamante Donsimoni

24 juin 2022 ©sacem

Herbier de poésies 




08/10/2016

Étincelle d’espoir



L’homme, à l’entrée de la grotte, terrifié par la lumière, dispute. L’inconnu est indésirable, la différence exclusion. Ce qui est doit être ce que l’on connaît, ce que l’on croit connaître, ce que l’on dit être, ce que l’on érige en vérité indiscutable. La réflexion, l’analyse, la compassion n’ont nulle place ici, le gouffre les avale, les digère, les anéantit. Vérité du cloaque où l’humain patauge empêtré de croyances et de certitudes. Face à ses dogmes, la liberté est un blasphème.
Scientifiques ou religieuses, que de certitudes s’effondrent avec le temps, avec l’émergence de nouveaux regards, de nouvelles voix. « Le premier qui dit la vérité doit être exécuté… » Oui, la parole a un prix, celui du courage. Il en faut pour vaincre l’immobilisme. On est si bien parmi les ombres de sa caverne, on les connaît, on les a domestiquées, on ne veut pas s’en trouver de nouvelles. Sur ce chemin de l’humain, qui va de la naissance à la mort, qu’il est doux de penser qu’une quelconque sécurité existe. La seule certitude est qu’une telle chose est un leurre. On pourra toujours cliver notre monde en espèces, en couleurs, en sexes afin de se donner l’illusion de dominer, tout au moins une partie, on ne pourra empêcher que la nature, qui préside à toutes destinées, est seule maîtresse à bord et qu’elle seule domine.
Ce qu’elle crée est Un, ce que nous sommes est un Un qui exprime, par choix ou par réponse à une nécessité d’équilibre de l’espèce, une possibilité parmi toutes les possibilités qui lui sont offertes en naissant. La différence est inconnue du noyau, il contient tout. La forme n’est juste qu’une question d’hormones.

Marcheront-ils un jour vers la lumière ces humains aux yeux voilés ?
Répondront-ils un jour à ce désir de retrouver l’étincelle qui brille en eux ? En prendront-ils le risque ? Car, enseignement du Popol Vuh, qu’il me plaît de penser juste : les Hommes garderaient au fond des yeux l’instant où ils étaient des dieux.

©Adamante (sacem)

23/03/2016

Lettre à toi qui as choisi de mourir en martyr


Toi qui porte ta souffrance jusqu’au martyr pour tenter de trouver la paix d’un paradis hypothétique, tu entraînes avec toi dans la mort l’ennemi que tu rends responsable de ton mal-être. Regarde autour de toi.
Cet ennemi, c’est moi, je suis aussi toutes les victimes passées ou à venir. Cet ennemi, le reconnais-tu ? C’est toi. Toi, l’affamé d’amour qui, aveuglé par la douleur, croit le conquérir en brandissant la haine.
Ta violence est un cri, j’en ressens toute la douleur, l’insondable désespoir. Ce cri est le ferment de la guerre, éternel déchirement des peuples. Égarement de qui n’a pas trouvé sa place.
L’enfance qui a mal dresse les poings, se jette dans la tourmente et s’éloigne inexorablement de cette paix qu’il recherche. Il s’enlise dans le désespoir.
De la guerre des boutons à la guerre en Syrie c’est le même manque qui alimente la violence, crée l’humiliation. La riposte virile participe du même principe, la crainte, souffrance qui naît de l’illusion de la séparation.
Et pourtant, à chaque instant, ma partie guerrière lutte pour ne pas crier à son tour et te pourfendre de son jugement. Je connais sa force, je sais son désespoir et son impuissance à changer les choses. C’est dangereux un tel désarroi. Alors, je l’accueille et la berce comme un enfant perdu. Je ne veux pas me perdre dans ce tourbillon de folie, te perdre et me perdre à jamais, en participant de ce mouvement infernal.
Voilà mon arme, chère désespérée partie de moi-même, réunifiée, apaisée en moi,   je peux m’ouvrir à toi pour te recevoir, te bercer, te murmurer des paroles d’espoir. Et mon corps, tout vibrant de tendresse, laisse couler ses larmes silencieuses pour endiguer la pression de cette force à nulle autre pareille, l’amour.
Toi, toi qui es moi entendras-tu cette vibration qui est nous ?


©Adamante 



Suite aux attentats en Belgique et partout ailleurs dans le monde.

31/12/2014

Absence et illusion


Nous sommes des êtres d’habitude, même si l’on s’en défend, même si l’on fait tout pour échapper à ce piège de l’espèce semblable à celui qui nous pousse à nous reproduire. Il y a là une programmation inflexible, et arracher quelque excroissance de ce cancer n’atteint pas la racine indurée au plus profond de nos gènes. On a beau masquer la réalité, un jour, elle nous rattrape, et ce croche-pied du temps parcouru nous met, avec la violence d’une chute sur des graviers acérés, face à la cohorte d’absences qui a jalonné notre chemin. Nous voilà pris dans l’invisible filet, car on ne parcourt pas le temps, on l’accumule sur nos années d’errances au travers des illusions que nous chérissons pour masquer cette réalité : la mort fait partie de la vie.
Comme une forêt qui s’éclaircit en même temps qu’elle se renouvelle, la colonie générationnelle se raréfie, ici et là, un vide, un temps, puis le vide disparaît, un autre arbre se plante et croît, tout change, du moins en apparence.

En marchant dans le village ce matin, j’ai croisé ces maisons fermées où, il y a peu, la vie palpitait encore. De moins en moins fort certes, comme hésitante à rester ou partir, terrée derrière ces murs conçus pour se protéger, se cacher et finalement disparaître un matin dans la pudeur du terrier, comme pour s’excuser de quitter ce monde avant d’être tombé dans l’oubli, comme ceux de la maison d’en face que les murs ont depuis longtemps digérés et qui ne laissent plus qu’une interrogation.
Le temps vient rapidement à bout de tout et de la mémoire. La presque ruine ne livre plus que mystère. Sa toiture crevée par la croissance d’un saule, sa porte ouverte sur un quotidien abandonné à la poussière et aux araignées, sa vigne au bois dormant qui en condamne désormais l’accès, ne disent plus qui vécut ici, heureux ou malheureux. La question reste sans réponse. Et la nuit, cette bouche béante d’ombre inspire terreur.
Ce que l’on ne comprend pas est menace et l’instinct qui préside encore à nos réactions nous somme de fuir, de nous éloigner au plus vite, avant que ce que l’on sent déjà nous grignoter, ne nous dévore totalement.

Dans ce bout du village, parmi toutes ces absences définitives ou partielles, il ne reste plus qu’une seule maison vivante. Pourtant celle-là non plus, même en plein jour, n’incite pas à s’arrêter. Il y a en elle quelque chose du sarcophage. Il isole et phagocyte doucement ceux qui l’habitent.

Ici, dans ce pays creusois, le granit a servi à construire la demeure des vivants et des morts, épaisseur inviolable dressée contre l’adversité, barrière minérale dont aucune porte ne s’ouvre sur la liberté.
Illusion, illusion.

La maison près du lavoir, vide elle aussi, fantomatique les nuits de pleine lune, dominait jusqu’à présent une vaste pelouse fleurie et bien entretenue. Elle m’apparaît dans ma vision dévorée par les broussailles où quelques marguerites blanches, rescapées, se dressent en bouquets, comme pour témoigner des restes d’un présent pas tout à fait vaincu. J’envisage en cueillir quand j’aperçois sa propriétaire guerroyant contre les herbes. Vaine tentative au regard de son âge, acte pathétique de ne pas abandonner sa maîtrise sur les éléments. Toute une vie à dompter la terre ne peut se réduire au fauteuil quand la fatigue s’insinue dans la chair. Elle se redresse, m’aperçoit, soupire et décide d’une trêve. Elle m’invite à la suivre. Depuis le décès de son mari, elle habite avec sa sœur, la maison d’à côté. Nous entrons. La pièce à vivre est d’une froideur inhabituelle, elle suinte l’abandon et transpire l’absence. Abandonnée ici la lutte répétitive pour l’hygiène contre la crasse. De grosses taches maculent le sol fait de larges dalles de granit jointées, propre aux maisons anciennes. De la vaisselle sale traîne dans l’évier. Nulle trace de la sœur, le grillon du foyer semble avoir déserté les lieux. Je regarde alentour, quelques chaises vides, un fauteuil désemparé, je comprends. L’absence, encore !
Je suis restée trop longtemps partie, ce que je connaissais n’existe plus, effacé, digéré. Rien ne ressemble plus à rien, pas même la disposition des lieux. Je sais, ce n’est qu’un rêve, mais il me place face à l’inconcevable construit de ces innombrables absences cumulées, je regarde un livre aux lignes non pas raturées mais effacées. Paragraphes troués de blancs qui ne demandent qu’à jaunir ou accueillir des mots nouveaux pour que les phrases perdurent sur leur support de papier, jusqu’à ce que lui-même s’efface, s’effrite ou se dissolve.

Je perçois de plus en plus clairement mon existence non comme un chemin qui avance, mais plutôt comme un axe sur lequel se sont agglutinées des expériences, des rencontres, un axe immobile, sorte de disque dur où toutes mes données de vie sont inscrites. Elles m’ont façonnée et me portent, ne reste qu’une seule inconnue, s’effaceront-elles lorsque le destin chronophage m’aura effacée à mon tour de cette aire où se jouent les destinées ?

Pantin le 29 décembre 2014


Note : après ce rêve, j’ai immédiatement téléphoné pour prendre des nouvelles, ce n’était qu’un rêve, la sœur était toujours là. Mais dans le même temps, une très grande amie à moi, Sœur Véronique nous quittait et je ne l’ai appris que le 31 décembre.
Aujourd’hui je veux lui offrir à mon tour ces mots de Saint Bonnaventure qu'elle m'avait adressés un 18 janvier 2004 et qui sont toujours là, sur mon bureau, près de sa photo  :
« À cette source de vie et de lumière, accours donc, qui que tu sois. »

Adamante


19/11/2013

Et soudain l’évidence


Au-delà de la mort
des murmures
les paroles d’un maître
désincarné
enseignement sans mot
ultime sagesse offerte à l’écoute

Par-delà l’illusion
soudain
la certitude
la joie profonde
la paix
la tendresse originelle
tout est si calme

Le métro pourtant
charrie ses flots humains
je lis sur les visages
ternis par les laideurs
la beauté des êtres
je perçois cette racine enfouie
de l’essence sublime
je vois l’espoir
vivant
autour de moi chacun le porte en lui
il ne peut que fleurir
annihiler les peurs
conjurer la folie
c’est écrit
sur ces visages
derrière ces regards fatigués

C’est écrit.

©Adamante sacem - 2013