Dans le trouble des eaux où pourtant se reflète le ciel,
quelques herbes aquatiques se balancent, doucement. Les yeux se perdent,
s’oublient, boivent les nuages où se pose une libellule. La dimension de l’air
fait place à celle des flots. C’est au-dedans que l’histoire se raconte, là où
les poissons se rassemblent, en un conciliabule muet, pour une danse entre deux
eaux. Accomplissement du rituel hermétique des concentrations, défi à la
prétention humaine de tout savoir.
Dessous, une source sourdant de la vase fait bouger les
papyrus. Ils s’inclinent et parfois se brisent. Une trop grande inclination
envers cette déesse qui les nourrit leur a fait perdre la tête, à moins que ce
ne soit le vent un peu trop brutal qui les a fait plier. Tout ne peut se
résumer à l’interprétation humaine d’une quelconque déité qui les inciterait à
se pencher ainsi avec dévotion affrontant le péril du pourrissement. Les herbes
savent mieux que les Hommes qu’elles sont une part, une expression d’un Tout,
au départ indifférencié, qui selon son gré prend formes, se plaisant à les
multiplier. C’est lui le père-mère de la grande fratrie de la nature.
C’est sans doute la recherche de cette paix propre aux
bassins qui fait s’asseoir auprès d’eux les rêveurs, les poètes et les
philosophes, les vieilles gens et les enfants. Ils viennent y goûter un peu de
la sagesse des mers, abandonnant pour un instant leur univers de dysharmonie
où, par la répétition des fables du mental, ils risquent la mort par le dessèchement
du cœur.
©Adamante(sacem)