Vague mimosa
Tout d’abord il y eut le parfum. Au loin je pouvais entendre la mer. Comme j’aimais ces moments où je pouvais m’extraire des contingences sociales festonnées de tenues correctes et de paroles policées. Ici, je n’avais plus à surveiller mon image, mon langage, rien ne m’obligeait à donner le change, à compter jusqu’à mes respirations. L’haleine du grand large m’arrivait par bouffées iodées irisées de ce pollen aussi doré que le soleil du midi.
Je ressentais la vie jusqu’à la perception des pierrailles qui roulaient sous mes semelles. J’avais le pied heureux des dévoreurs de grand chemins. J’étais comme un explorateur débarqué d’un naufrage sur une île déserte où à n’en pas douter se cachait un trésor.
La nature ne chantait pas encore la partition ininterrompue des cigales, mais mon cœur, grand rêveur, battait déjà de leur cymbalisation et bondissait comme un cabri épris de la garrigue.
Puis m’apparut, dans l’air vibrant de senteurs enivrantes, une explosion de jaunes teintés d’ocre curcuma.
Ce fut comme au cinéma, un arrêt sur image, un instant de contemplation imposé par l’interruption brutale du temps. Étourdie de tant de beauté, il me vint à l’esprit que Van Gogh, face aux vagues déferlantes de cette lumière fauve qui m’avait stoppée dans ma course, aurait été infidèle aux tournesols
une inflorescence
sous le bleu en majesté
Vague mimosa
les pompons du dieu soleil
viennent agacer le nez
Adamante – tanka prose -10 mars 2024
Une prochaine lecture de mes livres