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21/01/2024

Les mâchoires du froid

Photo Laurence B - Prise au Canada

 


En ce jour blanc, rien pour écorcher le silence. Il s’insinue partout, jusque dans mes pensées. Je me rappelle l’enfance quand, le nez collé au carreau, je contemplais l’éternité accompagner la lente descente des flocons. Quel étrange ballet. Encore aujourd’hui, il n’est pas un souffle de vent. Qu’est-ce qui pousse chacun d’eux à dévier ainsi sa route ? Tous semblent vouloir retarder le moment crucial du contact avec le sol. Est-ce l’amour du vol ou la prescience  d’une fin prochaine ? Une éphémère, peut-être, pourrait donner la réponse, mais il fait bien trop froid pour un si frêle insecte. 

Après ma longue promenade, avant que tout le ciel ne déverse une nouvelle fois son trop-plein de papillons glacés, je me suis installée près du feu, avec pantoufles, plaid et fauteuil afin de raviver mes extrémités gelées. C’est à peine si mon pied remue à rythmer le souvenir du craquement de mes pas dans la neige,  deux temps, peu de mesures et pas de da capo. Décidément, le jour est placé sous l’égide de l’immobile. 

Non loin de la maison, j’ai croisé un archange empêtré dans les broussailles, prisonnier de la glace, figé en plein élan. Qu’était-il venu faire ici ?  Je l’ai regardé longuement. Plantée face à lui, j’ai oublié le temps. À chaque instant je m’attendais à le voir s’envoler tant il semblait mettre d’efforts à s’extirper de sa prison de cristal. Mais il est resté là, téméraire et pourtant vaincu. 


Patience du ciel

et illusion du temps -  

les mâchoires du froid



Adamante Donsimoni 

©musicstart-sacem

18 janvier 2024


D'autres poésies sur l'Herbier de poésies Page 227

Je vous invite aussi à regarder mon précédent poste "LA QUÊTE DE L'AMOUR"





02/02/2023

Les murs de l’hiver

   
    Je n'ai pas pour habitude de poster ici des textes trop longs, mais j'avais envie de vous présenter ce qui est l'esquisse d'une idée, celle d'un futur livre peut-être où il sera sans doute beaucoup question de la Creuse.
    Et merci de votre visite. 
Adamante 

      Les murs de l’hiver



    L’hiver quand il neige et que la nuit s’annonce généreuse de flocons il faut être prévoyant. Il est souhaitable d’avoir une pelle à la maison. C’est peut-être à cette condition qu’au matin il sera possible de sortir de chez soi. 
    Antariaux, février mille neuf cent cinquante-six. Après un mois de janvier printanier, il a neigé le jour et la nuit durant. Les heures enveloppent la nature et les maisons d’un silence de plus en plus épais. Rien ne dure, chacun ici le sait, mais dans cette campagne muette l’instant semble s’éterniser. Dehors les températures sont extrêmes et le vent qui se lève renforce la sensation du froid, il gémit à la fenêtre bousculant les flocons et dressant les congères.
    Certains cette nuit-là ont rendez-vous avec la mort comme Maxime Gobillard, toute première victime, retrouvé pétrifié place Marceau à Limoges. En Creuse, à la Courtine, le thermomètre chute jusqu’à moins vingt et un degrés. Partout les routes sont impraticables. Les villages sont isolés et le froid condamne les plus démunis. Ils décèdent suite à une congestion, qui dans sa cabane, qui sur le chemin, incapable de se relever après une chute, qui encore sur la route, victime du blizzard. Le froid est redoutable quand on manque de tout. 
    Au matin, la lourde porte en bois de la maison familiale s’ouvre sur un mur blanc. Sensation oppressante que de se sentir piégé dans sa propre demeure. La pelle entre en action. Le froid en profite pour s’immiscer dans la grande salle où le feu continue de ronfler dans la cheminée. Mais pour sortir il faut dégager un accès vers le chemin principal, prendre des nouvelles des voisins, se libérer coûte que coûte de cette sensation d’étouffement. 
    L’enfant se souvient. Le passage une fois dégagé, elle marche entre deux murs qui occultent le paysage. Il n’y aura pas classe aujourd’hui, c’est une joie, mais elle a beau aimer la neige, son ressenti est désagréable entre ces murs plus hauts qu’elle. Avec cette absence d’horizon, elle vit un enfermement en plein air. 
    Son père alors la prend sur ses épaules, la vue se dégage, elle voit loin. Dominant la campagne, elle découvre un monde d’une pureté éblouissante. Tout est si blanc sous les premiers rayons du soleil, elle est obligée de cligner des yeux. Une pureté pareille n’est sans doute pas faite pour être contemplée trop longtemps, d’autant que le froid commence à faire sentir sa morsure au travers de ses vêtements. Il est temps de rentrer.     
    De retour auprès du feu, la famille se rassemble pour se réchauffer et le corps et le cœur d’une bonne tisane de thym sucrée avec le miel des abeilles de pépé. L’enfant a une pensée pour les ruches, pépé a dû anticiper et les protéger de son mieux.
    Il flotte dans l’air une sensation de bien-être et de joie simple. Pépé lui répète qu’il faut bien travailler à l’école pour réussir sa vie, c’est son leitmotiv. Elle lui sourit mais son attention est ailleurs. L’idée de réussir sa vie est un concept bien trop abstrait pour susciter son intérêt alors que devant elle les bûches l’invitent à voyager au travers du bois qui se fend, craque en gerbes d’étincelles sous la voracité des flammes. Cette beauté la captive. 
    Elle est déjà très loin. Les yeux rivés sur les flammes elle a quitté la pièce, elle pérégrine dans un autre univers. Elle accueille, se confond aux formes, aux couleurs, au moindre bruit, au plus discret chuintement des braises qui soupirent. Elle est ce feu qui chante, se cabre, parfois se cache à l’intérieur des bûches noircies pour réapparaître soudain en fusant joyeusement vers l’ombre du conduit de la cheminée.
    Bien au-delà, un monde impalpable qu’elle serait incapable de nommer s’exprime au centre de sa poitrine. Le feu a révélé le pouvoir de l’amour sorcier, ce sentiment qui crée et consume tout à la fois, faisant se mêler le début et la fin, la tristesse et la joie ; à cet instant elle comprend que la mort fait partie de la vie, qu’elles sont indissociables. 
    Ce soir en France, il neige dans beaucoup de régions, mais pas ici malgré les prévisions de la météo. Le ciel semble l’annoncer pourtant mais pour l’instant il la retient, comme un bien précieux que l’on souhaite conserver encore un peu avant de lui donner sa liberté.
    Assise sur le canapé où j’écris, je voyage à travers les mots qui se donnent aux lignes et relatent un temps à la fois proche et lointain, un temps inscrit au-dedans du corps pour assouvir l’immense désir de l’Esprit. Désir de neige, de ses hypnotiques flocons.

 Adamante Donsimoni 23 janvier 2023 ©sacem

23/01/2023

Dans la petite maison

 

©ABC


 

Dans la petite maison

comptine du froid



Dans la p’tite maison au bout du jardin


Je les ai vus manger le grain

Le tournesol et le plantain


Dans la p’tite maison au bout du jardin


Au rendez-vous des p’tits oiseaux

Une mésange et un moineau


Dans la p’tite maison au bout du jardin


Ils font honneur aux grains d’hiver

Quand la saison se fait austère


Dans la p’tite maison au bout du jardin


C’est du bonheur que l’on picore

Beaucoup, beaucoup, encore, encore


Dans la p’tite maison au bout du jardin


L’ballet incessant des moineaux

Berce mes heures, le cœur au chaud


Dans la p’tite maison au bout du jardin


J’oublie le temps, la vie est belle

Regarde ! il me pousse des ailes !


 


Et un haïku pour le plaisir :




juste quelques grains

becs sur le bois - toc toc

la saison du froid


©Adamante Donsimoni - 12 janvier 2023


 

et, pour danser sur la neige : 



P. 215 oiseaux d'hiver dans L'HERBIER DE POÉSIES 

01/03/2018

C’était la Dame bleue



Tout est bleu, la terre, l’eau, le ciel et mon regard. Non, ce n’est pas du flou qui fait vibrer l’espace. Il y a là un appel à l’unification

L’air épouse l’eau,
la brume d’éternité
apaise l’âme

L’horizon ne dit plus son nom, tout ce bleu le dévore.  C’est alors qu’une silhouette m’apparaît. Elle descend de mon regard pour se poser, comme un oiseau, sur cette écume de rêves. Je me souviens…

C’était la Dame bleue,
elle m’invitait à la suivre
mais il faisait trop froid

Au bord de la plage, si loin de ce rendez-vous manqué, enveloppée de bleus, je m’abandonne.

©AdamanteDonsimoni (sacem)




 


03/03/2016

Métamorphoses


Il pleut.
Dans l’air froid et triste, le quotidien paraît sans saveur. Le regard, indifférent comme fixé au-dedans, retiré dans les profondeurs, accompagne les gouttes qui suivent sagement la loi de la pesanteur, se coller et glisser par la voie la plus rapide.
Mais parfois, est-ce à cause du flot qui ralentit la course, une goutte hésite, dévie pour suivre un chemin parallèle, ouvrir une autre voie, explorer l’inconnu. Elle quitte le rail.
Mais déjà, dans l’univers limbique, le ballet hypnotique imprime ses images. Derrière le regard inconscient la vigilance est en éveil. Elle interprète, crée, s’abstrait de la routine, enfante la magie. Alors sur le carreau perlé de pluie, des chevaux d’écume pénètrent le champ visuel. Ce tsunami hippique exprime la métamorphose. Rêve d’une petite couseuse attendant son époux que quelques sirènes informes, à peine esquissées, retiennent par la voix dans l’univers épique d’un mythe. Là, la faim se cache, non « dans un champ pierreux » où grincer des mâchoires, mais dans un tourment d’ondes vomissant des démons prêts à dévorer le héros assoupi.
Le char des légendes Ovidiennes surgit, éclaboussant le matin. Il s’effacera au premier rayon du soleil.

Dans la chambre aveugle « Ulysse » poursuit son rêve, il dort. Il est trop tôt.
Dans la cuisine « Pénélope » attend, tout engluée de nuit. Devant son premier café, elle tente de s’extraire de ses limbes.

Adamante (©sacem)




05/02/2016

Les roseaux près du ponton


L’armée des roseaux monte la garde près du ponton. Qui s’en vient ou s’en va par la porte du ciel ? Que cache cette lumière aveuglante entourée de ténèbres ? Aspire-t-elle la vie sidérée et muette, le flot interrompu des eaux de la rivière ? Crache-t-elle des révélations à ce peuple subjugué dressé vers le passage ? Rite ou curiosité de l’ailleurs ? À moins que ce ne soit la même chose, le désir de savoir.
Un grand prêtre officie, consumé d’absolu. On croirait une icône récipiendaire d’un secret inscrit sur les pierres d’un édifice en ruine marquant la limite entre deux Univers.
Le bois des planches humides a la couleur des nuages, un gris de cendres refroidies rompant avec l’or des roseaux. Décor griffé de joncs et de branches dénudées. Il se joue là une scène à la fois grandiose et banale. Captivante perception du monde des métamorphoses. Un visage apparaît au travers de la fumée céleste, il chapeaute les ruines, observe la troupe des fidèles avec ce manque d’aménité  propre aux dieux de l’Olympe. Derrière ce masque, l’imaginaire déchaîne sa crainte, son effroi. Cette vérité inscrite au plus profond de tout ce qui est animé du souffle ne trouve aucun mot pour s’exprimer. Un frisson l’accompagne, le froid, la mort.
Il n’est pas une herbe, pas une goutte qui ne s’incline devant cette magie ruisselant de l’œil du ciel.

©Adamante (sacem)