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06/03/2023

Grand Mi

 

Acrylique Adamante -Tiré du livre le Faiseur d'Accueil
Prix Jules Supervielle 2022 de la Société des Poètes Français.



Grand-Mi

 

 

    Le feu crépite dans la cheminée. Son souffle accompagne les murmures de la nuit qui parcourent les ombres environnant la campagne. 

    Dans la vieille maison, tandis que les langues de l’enfer s’agitent sur les bûches, balayée par les lueurs de l’âtre, la vieille pendule semble sommeiller tandis que l’assistance attend religieusement dans la pénombre que Grand-Mi se décide à parler. Tous les regards sont tournés vers Elle, conteuse et doyenne du village. Ici on dit d’Elle que c’est « Celle qui sait » et on la respecte. Elle n’oublie pas Grand-Mi. Elle n’oublie jamais. Ce qui s’est passé avant, ce que lui ont raconté ses grands-parents qui le tenaient eux-mêmes de leurs ancêtres, elle en est la précieuse récipiendaire. 

    On appelle ça la transmission orale, car au temps des contes, un temps qui remonte à fort loin, ceux du pays ne connaissaient le papier que pour les choses de bien, chez le notaire. Les bibliothèques, c’était pour les riches, pour ceux qui pouvaient envoyer leurs enfants à l’école. Chez eux l’histoire c’était dans la tête qu’elle se conservait, et c’était par le dit qu’elle se transmettait, pas par l’écrit. À chaque génération, c’était à celui qui mémorisait le mieux et qui avait le don de dire que revenait le titre de conteur. 

    Certes, ceux qui reprenaient le flambeau l’enjolivaient un peu l’histoire quand c’était une histoire d’amour, ou ils la rendaient encore plus redoutable quand elle parlait de bandits de grands chemins ou des Dames blanches qui entraînaient les fêtards avinés dans des limbes d’où ils ne revenaient jamais. Il fallait bien que chacun y mette un peu du sien pour se l’approprier. Mais les histoires poursuivaient leur chemin d’aïeule en aïeule, c’est ainsi qu’elles étaient arrivées jusqu’à Grand-Mi et jusqu’à nous. 

    « Ouvrez grands vos oreilles tous, et vous aussi les petits car demain c’est vous qui serez en charge de dire et de transmettre. Tant que vous vous souviendrez le pays vivra, oubliez, et il mourra. Mais avec sa mort c’est une part de vous qui disparaîtra, car sachez-le, rien ne peut vivre sans racines »


racine coupée

la tête ploie le corps chute

la flamme s’éteint


malédiction de l’oubli

sans passé pas d’avenir



Adamante Donsimoni – 4 mars 2023




                    Je vous invite à découvrir la photo de la double page concernée par l'image. 


La qualité laisse un peu à désirer, je vous mets donc le texte ci-dessous.



Il y eut beaucoup de fois…


    Le fauteuil, avec sa paille usée par les frottements répétés des jupes et

des pantalons, a grincé bien souvent sous les mots des conteurs.

    De génération en génération, ils ont ponctué leurs dits des mouvements

de leurs corps. Car le conte prend possession du corps, il est l’enfant en

gestation qui naît à chaque phrase et respire en son souffle.

    L’incessant frottement des fessiers accompagnant l’intrigue a patiné la

paille, l’a rongée, l’a tannée, l’a modelée de leur mémoire.

    Parfois, quand vient la nuit, à l’heure de la veillée, le fauteuil se

souvient.

    Et quand un nouveau conteur prend place entre ses bras usés, il capte

les murmures qui remontent le temps. L’auditoire frémit à l’écoute des

voix qui se mêlent à la sienne.

 

Il était une fois

            Il était une fois

                        Il était une fois...

                                    L’immortelle sagesse des contes.


12/01/2023

Objet inanimé


    Certes, il est immobile, il n’a aucun instinct, aucun désir de se mouvoir, du moins ainsi que l’entend notre espèce, toujours affairée à parcourir ses espaces jusqu’à parfois s’y perdre. Mais inanimé, l’est-il vraiment ? J’en doute ! Je vois là l’illusion, une idée préconçue née de la méconnaissance des choses, l’impression superficielle générée par un regard distrait.

    L’objet est patience, semblable au minéral pour qui le temps est abscons, contemplatif peut-être, il demeure ancré dans la plénitude de sa densité, parfait dans sa forme momentanée, car rien, jamais, ne dure. Il accueille sans réagir les aléas des mouvements extérieurs qui le transportent et parfois le brisent. 

    Brûlé ou idolâtré lorsqu’il devient symbole, il se fait porteur des croyances humaines. N’existant plus en tant que tel, modifié, transformé, transfiguré, il n’est plus alors que la représentation d’une idée. Ainsi nié jusqu’au moindre de ses atomes, il demeure toutefois indifférent, car l’agitation n’est pas dans sa nature. 

    Mais, pour qui le considère au-delà des apparences, il est évident que, passé le voile de l’illusion, il vibre. Il vibre de la perfection de la matière car tout est ainsi : respiration et souffle. 

    Oui ! il est vibration, animé de ce vaste mouvement de la vie imperceptible à l’œil du corps mais perceptible à celui de l’âme, car il est lui aussi un infime éclat de l’infiniment grande Âme qui habite les mondes.

    Adamante Donsimoni

    17 décembre 2022 - ©sacem



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Réponse fort fort tardive à une proposition d'ABC pour son Nid des mots, 

mais une réflexion que j'ai aimé mener.