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16/11/2018



Le chant des loups



Le fouet cinglant du vent dans l’ombre des pins provoque
le froid irritant de l’hiver. La mousse perlée amortit les
terreurs portées par la vibration des brumes.
L’univers tout entier se raconte dans les souffles de la
forêt.

L’air du chant des loups
enfle à la cime des pins
-un chemin perdu

Des siècles d’angoisses tissés de mousses humides
s’inscrivent dans ce grand livre ouvert sur la cécité du
monde.
Il n’est pas un brin d’herbe qui ne soit conscient de la vie.

Trop de ténèbres
au coeur de l’humanité
et juste les sapins

le rêve d’éternité
est perclus de mensonges.

Adamante Donsimoni (sacem)

Steve Mitchell - aquarelle -








03/03/2017

Un rêve entre eau et ciel




Elle aurait pu rencontrer Folon, la Dame Lune noire, et s’envoler par-dessus les montagnes pour emporter nos songes un peu plus haut que d’habitude. Les rendre un peu plus libres, un peu plus détachés, comme ces ballons qui fusent vers le ciel sous le regard émerveillé des enfants qui leur confient leurs vœux. Mais la Dame n’est pas que Lune, elle est océan cravaté de trois points jaunes, personnage double, voguant entre Miro et Cocteau, entre « la Plus Belle* » et « la Bête ».
Et que lui murmure ce point, souligné d’une larme soutenue par trois poissons, qu’Elle-il porte sur l’épaule ? Un secret de marée, de soupe primordiale ? Un secret de vide tout rempli de possibles ? À moins que ce ne soit un secret d’infini que contemple son regard retiré.
Qu’est-ce donc que la vie ? Un murmure, à l’oreille des quêteurs peut-être, à peine un murmure.
Un rêve, entre l’eau et le ciel.

Adamante Donsimoni
http://le-champ-du-souffle.blogspot.fr/

« La plus belle » sculpture de J. Miro que j’ai tant admirée au Grand Palais, il y a trop longtemps et que je n’ai pas retrouvée sur le web.







03/03/2016

Métamorphoses


Il pleut.
Dans l’air froid et triste, le quotidien paraît sans saveur. Le regard, indifférent comme fixé au-dedans, retiré dans les profondeurs, accompagne les gouttes qui suivent sagement la loi de la pesanteur, se coller et glisser par la voie la plus rapide.
Mais parfois, est-ce à cause du flot qui ralentit la course, une goutte hésite, dévie pour suivre un chemin parallèle, ouvrir une autre voie, explorer l’inconnu. Elle quitte le rail.
Mais déjà, dans l’univers limbique, le ballet hypnotique imprime ses images. Derrière le regard inconscient la vigilance est en éveil. Elle interprète, crée, s’abstrait de la routine, enfante la magie. Alors sur le carreau perlé de pluie, des chevaux d’écume pénètrent le champ visuel. Ce tsunami hippique exprime la métamorphose. Rêve d’une petite couseuse attendant son époux que quelques sirènes informes, à peine esquissées, retiennent par la voix dans l’univers épique d’un mythe. Là, la faim se cache, non « dans un champ pierreux » où grincer des mâchoires, mais dans un tourment d’ondes vomissant des démons prêts à dévorer le héros assoupi.
Le char des légendes Ovidiennes surgit, éclaboussant le matin. Il s’effacera au premier rayon du soleil.

Dans la chambre aveugle « Ulysse » poursuit son rêve, il dort. Il est trop tôt.
Dans la cuisine « Pénélope » attend, tout engluée de nuit. Devant son premier café, elle tente de s’extraire de ses limbes.

Adamante (©sacem)




17/05/2015

Dans le secret d’un profil



Dans le secret d’un profil dessiné par la terre, un paysage s’enfonce, doucement, comme une pensée, un rêve.
Le voyageur de cet infini murmuré par les feuilles découvre au-delà des mots, l’histoire, celle de la vie, du vent, de la pluie, ces ingrédients de l’amour qui préside à la création.
L’écoute du silence l’amène à méditer sur le temps… Le temps, fugace ou immobile ?
L’instant seul pourrait répondre, mais l’oiseau s’est posé sur sa bouche et le Zéphir aux joues gonflées sourit de tant d’impertinence.
Sagesse du silence.
Le secret ne sera pas livré, ni en phrases, ni en mots. Il est du monde vibratoire, prégnant, irradiant, consumant, il n’attend que le lâcher prise pour se donner au pérégrin des profondeurs parti à la rencontre de son âme originelle.

©Adamante-sacem-

31/12/2014

Absence et illusion


Nous sommes des êtres d’habitude, même si l’on s’en défend, même si l’on fait tout pour échapper à ce piège de l’espèce semblable à celui qui nous pousse à nous reproduire. Il y a là une programmation inflexible, et arracher quelque excroissance de ce cancer n’atteint pas la racine indurée au plus profond de nos gènes. On a beau masquer la réalité, un jour, elle nous rattrape, et ce croche-pied du temps parcouru nous met, avec la violence d’une chute sur des graviers acérés, face à la cohorte d’absences qui a jalonné notre chemin. Nous voilà pris dans l’invisible filet, car on ne parcourt pas le temps, on l’accumule sur nos années d’errances au travers des illusions que nous chérissons pour masquer cette réalité : la mort fait partie de la vie.
Comme une forêt qui s’éclaircit en même temps qu’elle se renouvelle, la colonie générationnelle se raréfie, ici et là, un vide, un temps, puis le vide disparaît, un autre arbre se plante et croît, tout change, du moins en apparence.

En marchant dans le village ce matin, j’ai croisé ces maisons fermées où, il y a peu, la vie palpitait encore. De moins en moins fort certes, comme hésitante à rester ou partir, terrée derrière ces murs conçus pour se protéger, se cacher et finalement disparaître un matin dans la pudeur du terrier, comme pour s’excuser de quitter ce monde avant d’être tombé dans l’oubli, comme ceux de la maison d’en face que les murs ont depuis longtemps digérés et qui ne laissent plus qu’une interrogation.
Le temps vient rapidement à bout de tout et de la mémoire. La presque ruine ne livre plus que mystère. Sa toiture crevée par la croissance d’un saule, sa porte ouverte sur un quotidien abandonné à la poussière et aux araignées, sa vigne au bois dormant qui en condamne désormais l’accès, ne disent plus qui vécut ici, heureux ou malheureux. La question reste sans réponse. Et la nuit, cette bouche béante d’ombre inspire terreur.
Ce que l’on ne comprend pas est menace et l’instinct qui préside encore à nos réactions nous somme de fuir, de nous éloigner au plus vite, avant que ce que l’on sent déjà nous grignoter, ne nous dévore totalement.

Dans ce bout du village, parmi toutes ces absences définitives ou partielles, il ne reste plus qu’une seule maison vivante. Pourtant celle-là non plus, même en plein jour, n’incite pas à s’arrêter. Il y a en elle quelque chose du sarcophage. Il isole et phagocyte doucement ceux qui l’habitent.

Ici, dans ce pays creusois, le granit a servi à construire la demeure des vivants et des morts, épaisseur inviolable dressée contre l’adversité, barrière minérale dont aucune porte ne s’ouvre sur la liberté.
Illusion, illusion.

La maison près du lavoir, vide elle aussi, fantomatique les nuits de pleine lune, dominait jusqu’à présent une vaste pelouse fleurie et bien entretenue. Elle m’apparaît dans ma vision dévorée par les broussailles où quelques marguerites blanches, rescapées, se dressent en bouquets, comme pour témoigner des restes d’un présent pas tout à fait vaincu. J’envisage en cueillir quand j’aperçois sa propriétaire guerroyant contre les herbes. Vaine tentative au regard de son âge, acte pathétique de ne pas abandonner sa maîtrise sur les éléments. Toute une vie à dompter la terre ne peut se réduire au fauteuil quand la fatigue s’insinue dans la chair. Elle se redresse, m’aperçoit, soupire et décide d’une trêve. Elle m’invite à la suivre. Depuis le décès de son mari, elle habite avec sa sœur, la maison d’à côté. Nous entrons. La pièce à vivre est d’une froideur inhabituelle, elle suinte l’abandon et transpire l’absence. Abandonnée ici la lutte répétitive pour l’hygiène contre la crasse. De grosses taches maculent le sol fait de larges dalles de granit jointées, propre aux maisons anciennes. De la vaisselle sale traîne dans l’évier. Nulle trace de la sœur, le grillon du foyer semble avoir déserté les lieux. Je regarde alentour, quelques chaises vides, un fauteuil désemparé, je comprends. L’absence, encore !
Je suis restée trop longtemps partie, ce que je connaissais n’existe plus, effacé, digéré. Rien ne ressemble plus à rien, pas même la disposition des lieux. Je sais, ce n’est qu’un rêve, mais il me place face à l’inconcevable construit de ces innombrables absences cumulées, je regarde un livre aux lignes non pas raturées mais effacées. Paragraphes troués de blancs qui ne demandent qu’à jaunir ou accueillir des mots nouveaux pour que les phrases perdurent sur leur support de papier, jusqu’à ce que lui-même s’efface, s’effrite ou se dissolve.

Je perçois de plus en plus clairement mon existence non comme un chemin qui avance, mais plutôt comme un axe sur lequel se sont agglutinées des expériences, des rencontres, un axe immobile, sorte de disque dur où toutes mes données de vie sont inscrites. Elles m’ont façonnée et me portent, ne reste qu’une seule inconnue, s’effaceront-elles lorsque le destin chronophage m’aura effacée à mon tour de cette aire où se jouent les destinées ?

Pantin le 29 décembre 2014


Note : après ce rêve, j’ai immédiatement téléphoné pour prendre des nouvelles, ce n’était qu’un rêve, la sœur était toujours là. Mais dans le même temps, une très grande amie à moi, Sœur Véronique nous quittait et je ne l’ai appris que le 31 décembre.
Aujourd’hui je veux lui offrir à mon tour ces mots de Saint Bonnaventure qu'elle m'avait adressés un 18 janvier 2004 et qui sont toujours là, sur mon bureau, près de sa photo  :
« À cette source de vie et de lumière, accours donc, qui que tu sois. »

Adamante


08/12/2014

L'horizon

L’horizon ? une vague de croupes et de phallus d’immeubles dressés sur l’infini. Ce mur interdit, verrouille les nuages et toute idée de fuite. C’est lourd, poisseux comme un poulet en cocotte cuit au beurre sur la gazinière graisseuse d’une cuisine jaunâtre au fond d’un logement miteux d’un immeuble délabré.
Quelque part, aux pieds de cet entremêlement de gris, teint béton, et d’arbustes souffreteux, des voies rampent sur le sol où des cafards pressés, tout de tôles et de roues, crachent leurs particules fines dans le brouillard. Et ce n’est pas quelques lumières anémiques plantées là par Noël dans cette banlieue ignorée des fêtes qui vont enchanter la nuit.

À l’encoignure d’une porte, multipliés par la voracité insatiable du système, des hommes et des femmes murés de dénuement tendent sans conviction leur main blasée à des passants aveugles. Le monde marchand les a vomis un jour, sur le bord d’un trottoir, fatalité.
Le sol est froid aux membres engourdis, le sang pâlit dans les veines corrompues. Demain n’a aucun sens, pas même l’instant futur qui vient s’additionner sans surprise à celui d’avant, aussi froid, aussi éteint.

Et pourtant, au travers de ce gris, au travers de la brume, par le rythme régulier encore d’un organe qui pulse son sang dans cet édifice de chairs lasses, bien caché, quasi invisible, se terre l’espoir. Sentiment insensé, racine de vie indurée qui, jusqu’à l’instant ultime de l’épuisement fatal où elle rompt, puise la moindre force dans ce désert pour maintenir l’édifice humain tendu vers ce rêve confisqué de soleil et de rires. Rêve qui tout au fond de lui, étonnamment, comme un arbre torturé de tempête, se refuse obstinément à mourir.

©Adamante Sacem