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02/02/2023

Les murs de l’hiver

   
    Je n'ai pas pour habitude de poster ici des textes trop longs, mais j'avais envie de vous présenter ce qui est l'esquisse d'une idée, celle d'un futur livre peut-être où il sera sans doute beaucoup question de la Creuse.
    Et merci de votre visite. 
Adamante 

      Les murs de l’hiver



    L’hiver quand il neige et que la nuit s’annonce généreuse de flocons il faut être prévoyant. Il est souhaitable d’avoir une pelle à la maison. C’est peut-être à cette condition qu’au matin il sera possible de sortir de chez soi. 
    Antariaux, février mille neuf cent cinquante-six. Après un mois de janvier printanier, il a neigé le jour et la nuit durant. Les heures enveloppent la nature et les maisons d’un silence de plus en plus épais. Rien ne dure, chacun ici le sait, mais dans cette campagne muette l’instant semble s’éterniser. Dehors les températures sont extrêmes et le vent qui se lève renforce la sensation du froid, il gémit à la fenêtre bousculant les flocons et dressant les congères.
    Certains cette nuit-là ont rendez-vous avec la mort comme Maxime Gobillard, toute première victime, retrouvé pétrifié place Marceau à Limoges. En Creuse, à la Courtine, le thermomètre chute jusqu’à moins vingt et un degrés. Partout les routes sont impraticables. Les villages sont isolés et le froid condamne les plus démunis. Ils décèdent suite à une congestion, qui dans sa cabane, qui sur le chemin, incapable de se relever après une chute, qui encore sur la route, victime du blizzard. Le froid est redoutable quand on manque de tout. 
    Au matin, la lourde porte en bois de la maison familiale s’ouvre sur un mur blanc. Sensation oppressante que de se sentir piégé dans sa propre demeure. La pelle entre en action. Le froid en profite pour s’immiscer dans la grande salle où le feu continue de ronfler dans la cheminée. Mais pour sortir il faut dégager un accès vers le chemin principal, prendre des nouvelles des voisins, se libérer coûte que coûte de cette sensation d’étouffement. 
    L’enfant se souvient. Le passage une fois dégagé, elle marche entre deux murs qui occultent le paysage. Il n’y aura pas classe aujourd’hui, c’est une joie, mais elle a beau aimer la neige, son ressenti est désagréable entre ces murs plus hauts qu’elle. Avec cette absence d’horizon, elle vit un enfermement en plein air. 
    Son père alors la prend sur ses épaules, la vue se dégage, elle voit loin. Dominant la campagne, elle découvre un monde d’une pureté éblouissante. Tout est si blanc sous les premiers rayons du soleil, elle est obligée de cligner des yeux. Une pureté pareille n’est sans doute pas faite pour être contemplée trop longtemps, d’autant que le froid commence à faire sentir sa morsure au travers de ses vêtements. Il est temps de rentrer.     
    De retour auprès du feu, la famille se rassemble pour se réchauffer et le corps et le cœur d’une bonne tisane de thym sucrée avec le miel des abeilles de pépé. L’enfant a une pensée pour les ruches, pépé a dû anticiper et les protéger de son mieux.
    Il flotte dans l’air une sensation de bien-être et de joie simple. Pépé lui répète qu’il faut bien travailler à l’école pour réussir sa vie, c’est son leitmotiv. Elle lui sourit mais son attention est ailleurs. L’idée de réussir sa vie est un concept bien trop abstrait pour susciter son intérêt alors que devant elle les bûches l’invitent à voyager au travers du bois qui se fend, craque en gerbes d’étincelles sous la voracité des flammes. Cette beauté la captive. 
    Elle est déjà très loin. Les yeux rivés sur les flammes elle a quitté la pièce, elle pérégrine dans un autre univers. Elle accueille, se confond aux formes, aux couleurs, au moindre bruit, au plus discret chuintement des braises qui soupirent. Elle est ce feu qui chante, se cabre, parfois se cache à l’intérieur des bûches noircies pour réapparaître soudain en fusant joyeusement vers l’ombre du conduit de la cheminée.
    Bien au-delà, un monde impalpable qu’elle serait incapable de nommer s’exprime au centre de sa poitrine. Le feu a révélé le pouvoir de l’amour sorcier, ce sentiment qui crée et consume tout à la fois, faisant se mêler le début et la fin, la tristesse et la joie ; à cet instant elle comprend que la mort fait partie de la vie, qu’elles sont indissociables. 
    Ce soir en France, il neige dans beaucoup de régions, mais pas ici malgré les prévisions de la météo. Le ciel semble l’annoncer pourtant mais pour l’instant il la retient, comme un bien précieux que l’on souhaite conserver encore un peu avant de lui donner sa liberté.
    Assise sur le canapé où j’écris, je voyage à travers les mots qui se donnent aux lignes et relatent un temps à la fois proche et lointain, un temps inscrit au-dedans du corps pour assouvir l’immense désir de l’Esprit. Désir de neige, de ses hypnotiques flocons.

 Adamante Donsimoni 23 janvier 2023 ©sacem

14/06/2018

Jour de lessive au soleil


  
La lessive se balance au vent, sous le soleil, dans cette campagne où les grillons oublient trop souvent de chanter depuis quelques temps.

Caresse du vent
sur les herbes esseulées
mon voisin chante

Comme ils sont gais ces vêtements aux couleurs d’un coucher de soleil, séchant sous le pommier. Ils me parlent de l’été, du voyage, de la lenteur, de la langueur.

Ma pensée chemine
mon regard se retire
un volet claque

Ici, il fut un temps où les vacances bourdonnaient d’abeilles, de chant d’oiseaux. Et l’incessante stridulation des élytres tentait de couvrir la voix de ma mère me criant de mettre mon chapeau.

J’ai toujours sept ans
dans mon cœur de soleil
le vent me nargue

Dansez pour moi habits colorés de juillet, ravissez mes yeux de vos élans retenus par les cintres. Il y a en vous une envie d’envol et en moi le désir de vous suivre, sans but, comme on suit un parfum sur une aile de papillon.



 
Photo adamante D