Elle ferme les yeux
Elle a quitté le gris, le froid
Elle a quitté la misère, le poids qui plombe l’âme et la
cantonne à l’ombre
Elle a quitté la rue, ses cris
Elle a oublié les affiches, les paroles adultes où tout est
duel et peur
Elle a oublié ce monde où tout semble se résumer en deux
forces opposées
Dans une autre vie, vendeuse d’allumettes
Dans cette vie, vendeuse de fleurs
La petite main des pavés qui propose ses fleurs
L’enfant pauvre, oubliée, vient de s’endormir
Le parfum des bouquets chatouille ses narines
Son cœur se réjouit
La petite princesse des fleurs
La démunie, la va sans rien
Danse sur le rire du rêve
Belle de cette liberté qu’offre le dénuement sans
attente :
Savoir profiter de l’instant magique qui se donne à qui n’a
rien
Dans son monde, sourde un rayon de lumière
Il traverse ses paupières
Et soudain les passants s’arrêtent
Là, sur les marches, un petit soleil vient de s’allumer
L’enfant
Sans défense
Leur montre le chemin
Le rire, nourriture essentielle de la vie, prend sa source
dans l’abandon
Dans la confiance
La vie ne se résume pas à ce que l’on possède
On ne possède pas la vie, c’est elle qui nous possède
Certains amassent en un désir inextinguible
Piétinent, détruisent, manigancent, se goinfrent, affament
et tuent
Ignorant qu’à ses richesses se lit la pauvreté du monde.
L’enfant des fleurs le sait
Un parfum, rien qu’un parfum
Et voilà qu’un sourire allume le feu de son cœur
Il s’embrase en un rire gigantesque
Et tout se métamorphose
Toi qui passes et qui la regarde
Ne sens-tu pas la nécessité de ce rire salvateur dont ton
cœur a si faim ?
Que sont ces deux rides de désespérance qui barrent ton
front ?
Ce sérieux qui te fige l’âme et te glace ?
La vie possède en elle tout ce qui te manque et pourtant vit
en toi
L’enfant qui dort, le ventre creux, l’œil cerné de fatigue
Là, devant toi, le sait
Ce pourrait être toi
Toi, dans la pureté de l’Être
Toi, dans un élan d’amour.
©Adamante Donsimoni (sacem)
d’après une œuvre de Georgios Jakobides, la vendeuse de fleurs