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22/03/2018

Des chaussures pour mémoire


Doris Salcedo  Atrabiliarios, 1992-2004, chaussures, mur, bois, fibres animales
Musée d’Art contemporain de Chicago - Détail -

Chaussures exposées dans une galerie d’art,  façon organdi et papier de soie.
Un flot de silence s’élève, brise l’anonymat,
Le cri minéral de  l’absence rebondit sur le blanc des murs.

Sur la pointe, comme les chaussons d’une étoile.
Sur la pointe, comme pour se hisser vers les lumières de la nuit, immense.
Sur la pointe, pour ne pas oublier et offrir au regard un soupçon de grâce bordé d’épines,
Des escarpins se racontent.

Combien de Cendrillons ont perdu leurs souliers ?
Combien de Cendrillons  ont perdu leur visage, lacéré, un jour si différent des autres et qui n’aurait pas dû ?
Combien de  Cendrillons pour combien de souliers ?
Combien de souliers pour savoir qui ? Pour briser l’attente, insupportable ?

La terre a bu le sang,
La terre boit toujours le sang.
La terre, comme toutes les mères dans la nature lèche les plaies de ses petits,
Quand le cœur se brise en un dernier hoquet et que le corps vaincu s’effondre,
Digue rompue,  avec le sang la vie s’enfuit.
Comme il est lourd le ciel, du premier au dernier rayon du soleil, sur la terre en deuil.

Ici sur la pointe, combien de souliers ?
Ailleurs sur la terre ou bien dedans, combien de Cendrillons ?

©Adamante Donsimoni (sacem)

Doris Salcedo  Atrabiliarios, 1992-2004, chaussures, mur, bois, fibres animales
Musée d’Art contemporain de Chicago

Dans les années 1990 marquées par la guerre civile, des Colombiens s’opposent fermement au gouvernement corrompu et aux cartels de drogue tout-puissants. La réponse de ces derniers est glaçante : des villages entiers sont décimés.

Au cours de ses recherches, Salcedo réalise que ces meurtres violents visent bien souvent des femmes, presque toujours défigurées par leurs ravisseurs.
Leurs chaussures sont parfois le seul moyen d'identifier les corps.



Doris Salcedo, plasticienne, née en 1958 à Bogota, en Colombie
L'artiste  transforme les objets pour qu'ils passent de l'utilitaire au symbolique. Elle ne se montre que très peu et n'aime pas s'afficher.
“J’aimerais m’effacer”, a-t-elle expliqué lors d’une conférence donnée le 6 novembre 2006 au Musée national de Colombie. “ Cela ne m’intéresse pas d’être une figure médiatique.  Je ne raconte pas mon expérience personnelle ; ce qui m’arrive à moi est dénué d’intérêt.”












 

27/10/2025

La conscience d’être

 




La conscience d’être


    Mes pas se suivaient d’un rythme monotone, sans surprise. Mon esprit, bercé par la musique des graviers qui roulaient sous mes chaussures, s’abandonnait à cette sorte de léthargie qui apaise. La marche vide les pensées. Je longeais le bord de mer lorsque je vis, semblant sortir des eaux, un curieux personnage qui, d’un pas malhabile, tentait de s’aventurer sur la plage.

    Surprise, je m’arrêtais. Je fermais les yeux, puis les rouvris sur ce que j’aurais pu interpréter comme une hallucination. La léthargie nous entraîne parfois vers des lieux hors du temps habituel où des personnages insolites traversent notre champ de vision. Étais-je en train de vivre un épisode d’une rencontre du troisième type ? Avais-je pénétré une autre dimension ?

    Bleu-eau, bleu-ciel, bleu-mer, bleu-verre irisé de lumière, l’eau avait-elle pris forme pour me rappeler, s’il en était besoin, que ma vie, toute vie, partout sur Terre, venait des eaux.

    Ce Poséidon au corps de batracien, ce rêve de l’Océan qui semblait vouloir expérimenter l’envol venait à ma rencontre. À quelques pas de moi il s’arrêta. Nous échangeâmes alors un long regard, et je perçu au fond de moi, fruit de cette communion sans parole, au travers du poids de ma chair, cette légèreté, cette fluidité qui chez moi aussi vivait l’envol. Je vivais la mémoire de l’eau, j’étais cette mémoire, j’étais cette eau façonnée de lumière


dans la vibration
dans l’essence de la vie
la conscience d’être


Adamante Donsimoni-25 octobre 2023
©musicstart-sacem