Le manège m’emporte. Tourne,
tourne la musique. Je tourne, tourne avec elle. Mes pieds touchent à peine le
sol, plus de poids. Je suis avalée par le typhon du ciel. Je quitte les soucis
du monde, mon corps s’oublie dans le mouvement. Plus de misère, plus de guerre,
plus de viols, plus d’exactions dans le sang, plus d’ennui, plus cette
sensation d’impuissance.
Dans le monde, un pays sur
deux pratique la torture…
Tourne, tourne la musique. Je
tourne, tourne et je vis.
Caresse de la voix portée par
les accords, caresse essentielle, salvatrice. Le bleu nuit du ciel m’avale,
j’ai quitté la terre. Je tourne comme l’enfant aspiré par l’appel des sphères.
Cette voix… Elle m’emporte si
loin.
Qu’elle m’emporte et que je
retrouve ce que j’aime, sans forme, mais si vivant, sans forme mais si
prégnant.
Mes larmes baignent le feu de
ce cœur qui n’a pas réussi à se dessécher.
Emporte-moi au pays de
l’oubli, dans l’unique bonheur de tourner parce que tout tourne et que cela est
essentiel.
À cet instant, je ne veux
rien d’autre que l’oubli.
Les arbres se sont invités sur la
terrasse. Le toit laisse passer la pluie. Il n’est plus aucun rire pour égayer
les murs, la maison n’a plus rien à protéger.
Les
oiseaux de nuit
y
ont trouvé refuge
dans
le silence
Il fut un temps où le jardin
fleurissait de la main de l’homme. Les arbres, spectateurs muets, gardent le
souvenir de fêtes estivales où naquirent des histoires d’amour.
Gravés
dans le bois
quelques
lettres et un cœur
disent
le passé
Le vent a brisé les vitres,
regard morne des fenêtres éteintes. L’abandon a taché les murs blancs,
autrefois resplendissants sous le soleil.
Comme
un souffle éteint
l’âme
rongée de peine
la
maison gémit
Tout revient à la Terre et les
pierres patientes attendent ce retour.