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09/06/2017

Akènes et fleurs de pommiers



Akènes et fleurs de pommiers
danse le printemps danse
akènes et fleurs de pommiers
si loin déjà

Sur une branche d’acacia, l’homme se rêve
sur une branche d’acacia
quelques pétales sont tombés

L’été dénude le printemps
adieu la robe d’épousée
envie de feu
envie de flamme
envie de fruits
voici la ronde des pistils
et les promesses avortées jonchent le sol
la Terre se fend
la Terre se ride
sourire meurtri
sa robe déchirée

Akènes et fleurs de pommiers
la vie gémit
l’homme se tait

Akènes et fleurs de pommiers
l’espoir gelé
se change en larmes
larmes de ciel
larmes de sang sacrificielles
 
Akènes et fleurs de pommiers
dernier soupir du printemps
dernier souffle rendu
et pas un cri
dans un trou de poussière
la folie couve
et c’est la mort

Akènes et fleurs de pommiers
voici le chant de la dernière abeille.

©Adamante Donsimoni (sacem)

Image Jamadrou

26/05/2017

Un conte de perles d’eau


Apparitions aquatiques sur le bord de l’évier. Un conte de perles d’eau.
Une femme élancée, sorte de rémanence d’une cité interdite, glisse doucement vers l’oubli ; tant oubliée déjà et pourtant si présente. Seule avec les fantômes à peine esquissés de sa solitude, un doigt sur le menton, elle semble méditer. Elle passe. Elle ne fait que passer, elle ne sait que passer.
Dans les plis de sa robe, quelques ébauches de silhouettes hésitent à se montrer, la crainte les contraint bien plus que la lumière, mais elles l’ignorent.
- « Tu ne seras point.»
Il en faut du courage pour bousculer un tel précepte ! C’est écrit si profondément en soi. Comment s’en départir sans perdre ses repères et risquer de se dissoudre dans un néant supposé pire que la prison dont on connaît chaque mur ?
Le profil d’un Moaï, dans la certitude de sa solidité, domine ces chimères. Le poids est sa puissance. Il méprise la force de l’eau, cette patience qui un jour le couchera irrémédiablement.
Ici, tout n’est que silence. Rien pour troubler la paix d’ombre de l’horizon incertain vers lequel les herbes, bercées par le courant, s’inclinent.
Tout se dessine dans l’instant, l’instant qui n’en finit pas d’être et de se transformer.
 
 
 
 
 
Image ©Adamante
 
 

06/05/2017

La misère ordinaire

C'est un constat terrible qui nous met face à notre impuissance individuelle dans ce monde où une poignée vit de la misère du plus grand nombre.

J'ai souvenir d'un vieil homme, près de la gare d'Austerlitz, il y a déjà quelques années. Il était là, à tendre la main, en attendant que, pour les automobilistes, le feu passe au vert. À ses pieds, il portait des charentaises, dans la rue, il pleuvait. Quelle bonté sur son visage, aucune trace de rancœur, il m’avait émue. Le temps que j'ouvre mon sac pour trouver quelques pièces dans ce fourbi, le feu est passé au vert. Ça poussait derrière, l’automobiliste n’est pas patient. Je n'ai pas eu le temps de lui tendre la main, j'ai embrayé, je suis partie.
Je n'oublierai jamais, ce vieux Monsieur, il aurait pu être mon grand-père. Cette idée m’est encore insupportable. Il faut si peu pour qu’un chemin soudain diverge et vous mène à un carrefour, sous un porche, devant une grande surface, à la rue ; à la rue… brisé, violé, exclu par la société des hommes.
Cette misère est intolérable et ce n’est certes pas demain, 7 mai 2017, second tour d’une présidentielle entre peste et choléra, qu’un bulletin, quel qu’il soit dans l’urne, y changera quoi que ce soit !

De façon individuelle, si l’on ne peut donner à tout le monde, offrir ne serait-ce qu’un sourire c'est déjà partager un peu de notre humanité.
Il est des sourires inoubliables, glanés comme ça, au hasard du chemin qui vous accompagnent toute une vie.  Qui sait ce qu’ils peuvent faire ces sourires offerts à des êtres habituellement invisibles ?
Redonner confiance, éviter le gouffre, rompre la solitude, réveiller l’espoir ?
Faire bifurquer un chemin, pourquoi pas ? Que savons-nous des ressorts profonds de la vie ? De l’impact d’un peu de tendresse ?
Alors, luttant contre cette raideur qui nous pousse à baisser les yeux, à accélérer le pas pour échapper à cette confrontation douloureuse, à cette culpabilité impuissante, comme si cela était possible, je m’efforce de ralentir. Je m’oblige à croiser le regard, à sourire et découvrir au fond de ses yeux l’être qui se meurt derrière la transparence assignée par la société et peut-être ainsi réussir, l’espace d’un instant, à alléger le poids de la négation et du rejet.
C’est comme ça qu’un jour, j’ai rencontré l’homme aux pigeons.
C’est comme ça qu’un jour, j’ai rencontré Giuseppe et je prends conscience aujourd’hui, en cette veille électorale, que je ne lui ai pas donné un centime.

Mais quelle rencontre !

Adamante Donsimoni (sacem-billet d'humeur)
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28/04/2017

L'enfant des fleurs

 
Elle ferme les yeux
Elle a quitté le gris, le froid
Elle a quitté la misère, le poids qui plombe l’âme et la cantonne à l’ombre
Elle a quitté la rue, ses cris
Elle a oublié les affiches, les paroles adultes où tout est duel et peur
Elle a oublié ce monde où tout semble se résumer en deux forces opposées
Dans une autre vie, vendeuse d’allumettes
Dans cette vie, vendeuse de fleurs
La petite main des pavés qui propose ses fleurs
L’enfant pauvre, oubliée, vient de s’endormir
Le parfum des bouquets chatouille ses narines
Son cœur se réjouit
La petite princesse des fleurs
La démunie, la va sans rien
Danse sur le rire du rêve
Belle de cette liberté qu’offre le dénuement sans attente :
Savoir profiter de l’instant magique qui se donne à qui n’a rien
Dans son monde, sourde un rayon de lumière
Il traverse ses paupières
Et soudain les passants s’arrêtent
Là, sur les marches, un petit soleil vient de s’allumer
L’enfant
Sans défense
Leur montre le chemin
Le rire, nourriture essentielle de la vie, prend sa source dans l’abandon
Dans la confiance
La vie ne se résume pas à ce que l’on possède
On ne possède pas la vie, c’est elle qui nous possède
Certains amassent en un désir inextinguible
Piétinent, détruisent, manigancent, se goinfrent, affament et tuent
Ignorant qu’à ses richesses se lit la pauvreté du monde.
L’enfant des fleurs le sait
Un parfum, rien qu’un parfum
Et voilà qu’un sourire allume le feu de son cœur
Il s’embrase en un rire gigantesque
Et tout se métamorphose
Toi qui passes et qui la regarde
Ne sens-tu pas la nécessité de ce rire salvateur dont ton cœur a si faim ?
Que sont ces deux rides de désespérance qui barrent ton front ?
Ce sérieux qui te fige l’âme et te glace ?
La vie possède en elle tout ce qui te manque et pourtant vit en toi
L’enfant qui dort, le ventre creux, l’œil cerné de fatigue
Là, devant toi, le sait
Ce pourrait être toi
Toi, dans la pureté de l’Être
Toi, dans un élan d’amour.

©Adamante Donsimoni (sacem)




d’après une œuvre de Georgios Jakobides, la vendeuse de fleurs


21/04/2017

La paille du destin



Quand l’image enfante les mots, quand les mots enfantent à leur tour l’image,
on peut se dire que le cycle des transformations est un cercle parfait, une roue qui brasse les atomes de vie comme une tricoteuse assemble ses mailles, avec patience, l’une après l’autre, pour créer son ouvrage. Que de temps passé à tisser l’éphémère ! Que d’heures offertes à la poussière du temps. Que de vanité dans ce parcours de vie que l’on voudrait éternel.

Ici, l’histoire semble vouloir se transformer. Cléopâtre unie à Antoine chante sous le casque d’or des vainqueurs sur fond de drapeaux, arabesques et traits aquilins. Aucun Octave dans ce chant, à peine un bémol, un rien pour contrarier l’impossible.
À leurs pieds, quelques profils se cherchent, le désir s’exprime par la quête d’un baiser. Mais derrière eux, ceux du destin, une paille dans leur bouche obverse, insufflent en silence le souffle de la tragédie. Est-il possible d’échapper à son destin ? Peut-il être des amours heureux qui ne soient pas sans attache ? L’histoire nous dira que non, à condition de connaître l’histoire et je me demande d’où vient cette faculté d’oubli qui pousse l’humanité à reproduire sans cesse les mêmes erreurs au travers de ce chapelet génétique qui forme les vagues générationnelles de l’incarnation.

Un mouflon à visage humain exprimerait-il ici le regard du sphinx ?
©Adamante Donsimoni(sacem)


 
 
 
 
















14/04/2017

Le monde se rêve



Le demi-dieu du printemps préside au dégel.
Il s’extirpe de la dimension des eaux, réalise l’arbre et la pierre, cristallise l’or d’un soleil venu réchauffer la terre, semer la vie.
Dans ce chaos de glace encore à la dérive, dans ce chaos grinçant livré à la débâcle, des visages surgis du néant expérimentent la forme, leurs traits sont déjà porteurs de l’esprit. 
Certains, paupières closes, surgis des ténèbres intestines d’un lac sont déjà en quête de sagesse.  L’oiseau noir se prépare à son envol vers la lumière.
De chaque fissure, on pressent le germe d’une connaissance prête à conquérir le monde. 
Le ciel enfin différencié de cette soupe primordiale, pris d’un insatiable désir d’expansion, a commencé son évasion vers l’infini. 
Bientôt le premier cri accueillera le souffle et le monde sera, pour l’instant, il se rêve.

©Adamante Donsimoni (sacem)







07/04/2017

Les limites

 


Comme un pont enjambe deux mondes, l’univers déploie ses formes multidimensionnelles.  Structures Gaudiennes, unijambistes, parcourant l’océan inversé des angoisses kafkaïennes ; voiles contemplant  les abysses tandis que des bras chimériques dressés vers l’indéfini de la matière noire tentent d’en attraper le temps. Créations de l’Esprit luttant contre l’inconcevable mesure, sans cesse traquée, sans cesse échappée, tandis que la lumière fusant de l’insondable nous attire comme ces papillons de nuit fascinés et impuissants. 
 
©Adamante Donsimoni(sacem)
 
 
 
 
 


 

31/03/2017

Leçon d’un mouflon à une humaine


Quel trouble, soudain ! la condition humaine me semble dérisoire. Ce regard plein de compassion renverse les valeurs. L’espèce bipède brandissant la supériorité de sa conscience face aux limites affirmées de l’animal, vanité, prétention, bêtise !
Dans ces yeux, je lis une infinie sagesse. Même l’herbe offerte à l’instant me semble mieux comprendre ce qu’est la vie. Il n’est aucun soupir pourtant, autre que celui qui s’échappe de mes poumons, aucune accusation dans ce regard débordant d’amour, juste le don total de soi.
Ma gorge se noud, je voudrais crier : comment pouvez-vous encore nous pardonner ce que l’on a fait de la planète ? Mais il ne m’échappe qu’un terrible silence, l’aveu de mon impuissance et la certitude de l’erreur effroyable de mon espèce.








24/03/2017

Pourquoi s’en faire ?




Le petit bonhomme du ciel, le petit bonhomme au gros nez, clope au bec façon Prévert et casquette façon Hardellet, a revêtu sa cape de lumière, sa traîne d’eau.  Super héros des nuages, il s’élance au-dessus du fleuve vers deux amoureux-pétales à peine épanouis, deux amoureux contemplatifs, si absorbés l’un par l’autre qu’ils ne voient pas le petit bonhomme. Il s’agite pourtant, se transforme. 

« Eh ! regardez-moi, regardez votre avenir ! Regardez l’enfant, l’ange, prêt à s’envoler et ce personnage nimbé d’une lumière sombre qui s’éloigne doucement sans faire de bruit pour ne pas vous déranger. » 

Mais le silence recouvre tout, comme la brume recouvre le lac de leurs yeux qui se boivent.
Après tout, à chacun son tour. Le un devient deux, le trois se dessine tandis le quatre s’efface. Chacun sait que le carré est un leurre, que seul le cercle est réel, que seul le cercle n’a pas de fin. Alors, pourquoi s’en faire ?

              ©Adamante Donsimoni (sacem)


 

10/03/2017

L'exil



L’oiseau
les ailes décharnées
plumes emportées par le vent
quêteur de tendresse
raconte une histoire
déracinée

Lointains
le pays absent
le ciel des premiers désirs d’envol
le soleil plus rouge
la terre plus vivante
les parfums plus rares
ce qui reste du passé
après la déchirure
c’est la magnificence
par dilatation du cœur
cette partie intime
pas tout à fait morte
mais à jamais perdue
hante les espaces intérieurs
c’est désormais la dimension du vide
la corde brisée
la note désaccordée
la fêlure
la voix
qui chante
l’absence
en rêvant
de la liberté.

©Adamante Donsimoni (sacem)