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16/06/2017

Le désir

 
Qui regarde qui ? Les enfants, en arrêt devant les figurines de la vitrine qui orneront peut-être une crèche ou un sapin pour magnifier la fête de Noël ; ou l’âme des figurines immobiles qui les interpelle sans mot ?
L’écoute de leur silence fait se pointer le doigt de la gourmandise. Pour eux, le temps s’est arrêté. La magie de l’instant éternel opère, le désir s’installe. L’empreinte de la friandise convoitée se fixe à tout jamais dans le cœur indestructible de l’enfance.
L’œuvre d’art ne participe pas du vouloir faire, mais du laisser être. Elle témoigne. Elle plonge l’observateur comblé dans la vibration d’un non agir créateur.
Je reçois donc je crée par la redécouverte de moi-même, par le retour à la source primordiale.
Ici, mon enfance, délicieusement parfumée de miel et d’épices, déploie ses ailes.


Adamante Donsimoni (sacem)
               sur une œuvre d’Alvaro de Taddeo « Vor der baeckerei » « Devant la boulangerie »












 
 

09/06/2017

Akènes et fleurs de pommiers



Akènes et fleurs de pommiers
danse le printemps danse
akènes et fleurs de pommiers
si loin déjà

Sur une branche d’acacia, l’homme se rêve
sur une branche d’acacia
quelques pétales sont tombés

L’été dénude le printemps
adieu la robe d’épousée
envie de feu
envie de flamme
envie de fruits
voici la ronde des pistils
et les promesses avortées jonchent le sol
la Terre se fend
la Terre se ride
sourire meurtri
sa robe déchirée

Akènes et fleurs de pommiers
la vie gémit
l’homme se tait

Akènes et fleurs de pommiers
l’espoir gelé
se change en larmes
larmes de ciel
larmes de sang sacrificielles
 
Akènes et fleurs de pommiers
dernier soupir du printemps
dernier souffle rendu
et pas un cri
dans un trou de poussière
la folie couve
et c’est la mort

Akènes et fleurs de pommiers
voici le chant de la dernière abeille.

©Adamante Donsimoni (sacem)

Image Jamadrou

26/05/2017

Un conte de perles d’eau


Apparitions aquatiques sur le bord de l’évier. Un conte de perles d’eau.
Une femme élancée, sorte de rémanence d’une cité interdite, glisse doucement vers l’oubli ; tant oubliée déjà et pourtant si présente. Seule avec les fantômes à peine esquissés de sa solitude, un doigt sur le menton, elle semble méditer. Elle passe. Elle ne fait que passer, elle ne sait que passer.
Dans les plis de sa robe, quelques ébauches de silhouettes hésitent à se montrer, la crainte les contraint bien plus que la lumière, mais elles l’ignorent.
- « Tu ne seras point.»
Il en faut du courage pour bousculer un tel précepte ! C’est écrit si profondément en soi. Comment s’en départir sans perdre ses repères et risquer de se dissoudre dans un néant supposé pire que la prison dont on connaît chaque mur ?
Le profil d’un Moaï, dans la certitude de sa solidité, domine ces chimères. Le poids est sa puissance. Il méprise la force de l’eau, cette patience qui un jour le couchera irrémédiablement.
Ici, tout n’est que silence. Rien pour troubler la paix d’ombre de l’horizon incertain vers lequel les herbes, bercées par le courant, s’inclinent.
Tout se dessine dans l’instant, l’instant qui n’en finit pas d’être et de se transformer.
 
 
 
 
 
Image ©Adamante
 
 

06/05/2017

La misère ordinaire

C'est un constat terrible qui nous met face à notre impuissance individuelle dans ce monde où une poignée vit de la misère du plus grand nombre.

J'ai souvenir d'un vieil homme, près de la gare d'Austerlitz, il y a déjà quelques années. Il était là, à tendre la main, en attendant que, pour les automobilistes, le feu passe au vert. À ses pieds, il portait des charentaises, dans la rue, il pleuvait. Quelle bonté sur son visage, aucune trace de rancœur, il m’avait émue. Le temps que j'ouvre mon sac pour trouver quelques pièces dans ce fourbi, le feu est passé au vert. Ça poussait derrière, l’automobiliste n’est pas patient. Je n'ai pas eu le temps de lui tendre la main, j'ai embrayé, je suis partie.
Je n'oublierai jamais, ce vieux Monsieur, il aurait pu être mon grand-père. Cette idée m’est encore insupportable. Il faut si peu pour qu’un chemin soudain diverge et vous mène à un carrefour, sous un porche, devant une grande surface, à la rue ; à la rue… brisé, violé, exclu par la société des hommes.
Cette misère est intolérable et ce n’est certes pas demain, 7 mai 2017, second tour d’une présidentielle entre peste et choléra, qu’un bulletin, quel qu’il soit dans l’urne, y changera quoi que ce soit !

De façon individuelle, si l’on ne peut donner à tout le monde, offrir ne serait-ce qu’un sourire c'est déjà partager un peu de notre humanité.
Il est des sourires inoubliables, glanés comme ça, au hasard du chemin qui vous accompagnent toute une vie.  Qui sait ce qu’ils peuvent faire ces sourires offerts à des êtres habituellement invisibles ?
Redonner confiance, éviter le gouffre, rompre la solitude, réveiller l’espoir ?
Faire bifurquer un chemin, pourquoi pas ? Que savons-nous des ressorts profonds de la vie ? De l’impact d’un peu de tendresse ?
Alors, luttant contre cette raideur qui nous pousse à baisser les yeux, à accélérer le pas pour échapper à cette confrontation douloureuse, à cette culpabilité impuissante, comme si cela était possible, je m’efforce de ralentir. Je m’oblige à croiser le regard, à sourire et découvrir au fond de ses yeux l’être qui se meurt derrière la transparence assignée par la société et peut-être ainsi réussir, l’espace d’un instant, à alléger le poids de la négation et du rejet.
C’est comme ça qu’un jour, j’ai rencontré l’homme aux pigeons.
C’est comme ça qu’un jour, j’ai rencontré Giuseppe et je prends conscience aujourd’hui, en cette veille électorale, que je ne lui ai pas donné un centime.

Mais quelle rencontre !

Adamante Donsimoni (sacem-billet d'humeur)
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