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26/08/2017

Les yeux fous de la ville



 
Que regardent les yeux fous de la ville, bras tendus vers un avenir incertain ?
Le vent arrache aux cheminées un sifflement aussi ulcéreux que le vin des pauvres. Non loin du ciel, les dômes contredisent la douceur attendue de l’arrondi. Ils sont fermeture, couvercles posés là pour étouffer les esprits rebelles, les âmes éprises de liberté. Affreux symboles d’un « Sacré cœur » dévoyé au profit de l’intégrisme. Il n’est point de compassion dans ce monde sans amour ou la rédemption se dresse comme une menace. Sans amour pas de pardon, sans pardon, la mort.
Quelques croix fantomatiques se dressent vers les nuages. C’est le cri du silence, le masque d’une béance qui déchire l’histoire humaine. Il n’est pas jusqu’à la couleur qui ne sombre, dans ce monde automnale où l’on ne récolte que feuilles mortes.

Adamante Donsimoni (©sacem)
vendredi 25 août 2017 



Photo
Sur une photo d'Arnaud Bouchet

07/07/2017

La rencontre



Après un long voyage à travers la campagne, en ce temps reculé inscrit dans nos mémoires, un voyageur fait une halte. Appuyé sur son bâton, il s’arrête, embrasse du regard la chaumière où un vieillard accoudé à la porte l’observe.
Ses pauvres pieds meurtris
implorent un peu de repos
un si long chemin…
Mais à cet instant, rien ne presse.  Le monde paysan a ses rituels. On s’observe, on se jauge. L’arrivant le sait, il laisse au vieillard le temps de se faire une idée.
Il sait qu’en échange des nouvelles des pays voisins, le vieux lui offrira le gîte pour la nuit, dans la paille de l’appentis qui jouxte la pauvre demeure et, pourquoi pas, un bout de pain, peut-être même une tranche de lard.
Un geste de salut
un raclement de gorge
un pas vers l’autre
En attendant, deux mondes se rencontrent.
À l’étranger de prouver sa bonne foi, ne pas brusquer le contact, tisser une relation de confiance sans hâte ni précipitation.
Le dos fatigué
peut attendre la paille
si convoitée
L’essentiel se joue dans une sorte d’étirement du temps, comme un bâillement de détente.
Si la rencontre a lieu, le sédentaire accueillera le vagabond. Il fera ce soir moisson de nouvelles qui le maintiendront éveillé durant ses longues soirées de solitude, bien longtemps après que le voyageur aura disparu, avalé par le silence de la forêt.
Rembrandt (Rembrandt van Rijn) (Pays-Bas, Leiden 1606-1669 Amsterdam)  

30/06/2017

Allée des pas perdus…



 
Allée des pas perdus… ça pour l’être ils le sont ! L’esprit un peu rêveur on baguenaude sans voir dans un entre deux sans durée où le regard se berce de nature.  Vertu des grands espaces,

les pieds sont ici,
et la tête est ailleurs
on ne sait plus trop

Mais, ici ou là, quelle importance ! Comblé de ce rien qu’est l’instant, on se donne aux doigts de la brise pour ressentir la vie, respirer, s’imprégner du paradis qui frémit, là, juste sous votre peau.  Et puis soudain,

au pied d’un hêtre,
couché entre deux racines,
un nouveau-né

allongé dans la mousse
il tète encore sa mère

Cette apparition c’est l’offrande de la Terre pour fêter le prodige de votre abandon. L’arbre complice vous a ensorcelé. L’enfant du hêtre s’offre et pénètre votre immobilité de sa palpitation végétale.  Alors résonne en vous ce bruit de succion intemporel qui vous accompagne depuis la nuit des temps, à chacun de vos pas.

               ©Adamante Donsimoni (sacem)

image Françoise Isabel






23/06/2017

Le vieux saule



Il a touché le ciel
puis, dans un élan d’amour
il a plongé ses doigts dans la terre
le vieux saule
et j’ai pleuré.

                                        ©Adamante Donsimoni (sacem)



 
Le vieux saule - photo SusiS