L’immensité ne lui suffit pasIl insiste pour entrer le ventJe sors pour le calmerLui dire qu’il n’est pas seulLui expliquer que je ne peux pas passer la nuit dehorsQue je suis une humaineQu’il me faut un toit pour dormirMais aussitôt il me prend dans ses brasIl me coupe la paroleIl me pousse, m’étouffe, me bousculeEt soudain j’ai cinq ansJe me surprends à rire aux éclatsIl ne faut pas le lui direJ’adore quand il me fait tourner la tête !Adamante ©sacem
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02/11/2017
La fille du vent
17/10/2017
Les territoires de l'ombre
Je ferme les yeux, j’accueille.
Frémissement au premier son de la guimbarde, je suis au
centre du mouvement. Progressivement, une force surgie de mes entrailles
s’élève en spirales vers le ciel. Ce volcan hypnotique déroule sa matière
jusqu’aux confins inabordables d’un univers indéfini. Le rythme doucement s’installe et peu à peu s’amplifie. Tous
mes repères habituels s’effacent car ici il n’est plus de norme. La vie à
l’état sauvage crucifie nos certitudes dans son immense cri de sexes et de
ventres. La préexistence du désir de création est glorifiée.
Les cercles vibratoires de cette musique m’ensorcellent, ils
tournent de plus en plus vite et me placent au centre du tourbillon frénétique
de l’oubli de soi. Je coule sans crainte dans cet entonnoir qui m’emporte et me
dépose en douceur sur une zone de silence.
Je vis
l’appel du loup, gorge tendue vers les étoiles. Par le cri de la chouette qui
zèbre la nuit, je salue l’avènement d’un temps d’éternité.
Les voix
sont gutturales. Déchirées aux
épines de la forêt elles sont l’écho du mutisme des pierres.
Je
reçois. Je suis steppe. Je vibre du souffle infernal de la terre. Les notes se
gonflent, explosent sur les lignes d’une portée d’ombres jusqu’à faire surgir
un cheval au galop. Partout le feu s’exprime dévorant et le temps bascule. Da
capo. La silhouette d’une
cavalière est inscrite sur la face argentée de la lune, les ténèbres
s’illuminent. Et voilà qu’une armée mongole déboule à sa poursuite. Pas un seul
bémol, mais des marques de sabots sur les lignes qui se cabrent. C’est l’âme de
la terre qui tremble. Je tremble. Je suis le théâtre de cette poursuite
effrénée. Enfin l’apothéose, la grande danse des cavaliers, le grand opéra des
montures quand la nature Diva pousse son air de Valkyrie. La chamane a rejoint les territoires de
l’ombre.
Partout les cris rauques des Esprits surgis des profondeurs
taillent des lambeaux d’espace, ils ouvrent les portes des mondes interdits aux
profanes. Il n’est plus rien de connu au travers de ces territoires où le son
allume l’animalité de l’Être. Là, tous les chamans de tous les temps, de tous
les mondes, unissent leurs voix. Dans la nuit, un chant ancestral inscrit dans
la mémoire du minéral, dans l’ossature du vivant enfle jusqu’au coup de cravache
final.
Le pur-sang se cabre, un hennissement, puis le silence.
Une porte vient de se refermer.
10/10/2017
Le journal des herbes
Sept jours de septembre 2017, passés à écouter les herbes
Vendredi
Des perles de lumière sur les herbes
En
cette fin d’été parfumée d’automne, la pluie a maquillé les herbes. L’instant
est unique, je suis sous le charme. Tout s’efface qui n’est pas lumière. Je
voyage dans une pantoufle de verre* aux pays magique du strass. Je n’attends
aucun prince. Et j’ai tout, absolument tout ce dont je peux rêver. Dans cette
dimension, les richesses matérielles n’ont aucun sens.
Le
diamant, conçu aux feux de la terre, masque sa lumière, le sage ne se répand
pas.
Mais
les herbes, par leurs racines, connaissent le grand dessous des choses, elles
en témoignent. Je découvre la richesse de l’instant qui se donne dans cette
symphonie du prisme que le vent balaie emportant avec lui une part de cet éclat
d’éternité. J’ai déjà prélevé ma part. À l’éternité du diamant convoité par les
Hommes, je préfère ce moment d’éblouissement fugace offert par quelques gouttes
de pluie. Il vit désormais aux tréfonds de mes espaces intérieurs.
La
Terre connaît trop bien la convoitise humaine. Qui porte la lumière doit la
protéger des regards avides.
Voici
l’enseignement des herbes ce matin et rien ne m’est plus précieux.
*et
non pas vair, par choix délibéré.
Samedi
Regard
Pas
de pluie à mon lever, juste la grisaille du ciel qui réduit les pensées,
étrique les mouvements et pousse à la désespérance.
La
sagesse serait de puiser à la source de lumière intérieure pour éviter l’écueil
d’une journée maussade. De toute évidence je ne suis pas sage ce matin. Je
m’assieds sur la marche du perron, regard vague et soupire.
L’herbe
croît, plus verte que jamais. Je maugrée. Cet été qui n’en fut pas un, plombe
mes pensées. Je pleure sur le froid qui perdure. Il manque au paysage cette touche
de couleur chaude qui pourrait rasséréner le cœur le plus effondré. Blasée,
j’observe. Et soudain, je vois. Je vois la diversité des formes et des verts.
Mon regard éveillé brutalement par je ne sais quelle influence occulte, ne
traduit plus une masse, mais une variété phénoménale de l’expression végétale
que l’on qualifie d’herbe. Dire que je marche dessus à chaque instant,
ignorante des formes et des noms sous le vocable générique d’herbe. Vocable
réducteur, témoin du survol de la vie quand on porte des œillères.
Les
herbes ! les femmes ! les jeunes ! les étrangers ! les
autres !
L’ensemble
est à maudire, taillé comme un jardin français, il réduit à la masse ce que
l’on croise. Qu’il soit érigé en critère esthétique ou social, il soumet,
dompte, réduit, classifie, refuse, rejette.
La
nature se plaît à varier les formes, l’humanité à les réduire. Peur de la
différence sans doute !
Encore
un enseignement des herbes, la liberté ne s’acquiert que par l’expression libre
des formes. La variété est richesse, elle se tisse comme une tapisserie
opposant ainsi l’art au bloc.
Dimanche
Le juste milieu
Une
matinée ensoleillée ; s’élancer vers la lumière semble être le mot d’ordre
du matin. Tout pointe qui se trouve au centre, mais à la périphérie on s’incline
gracieusement vers la terre nourricière. Il apparaît que les plantes, et dans
ce cas précis, le chiendent considéré comme une mauvaise herbe, dans leur
inconscience apparente et leur mutisme, appréhendent mieux que l’Homme la
notion de reconnaissance. Sur une même pousse, le centre salue le Soleil et la
périphérie la Terre pour croître harmonieusement. La vie a des règles lorsqu’il
s’agit de trouver l’équilibre.
Je
me dis que pour progresser sur la voie de la modestie et de la compréhension de
notre monde, nous avons beaucoup à apprendre du moindre brin d’herbe. À
condition de se poser un instant et de se laisser glisser vers une attention
sans but, toutes les sagesses nous sont enseignées, sans mot.
Cela
remplit l’esprit, ouvre le cœur, apaise.
Il
n’est rien de plus simple et de plus délicat à trouver que l’harmonie.
Lundi
Flash
Temps
couvert, une sorte d’attentisme dense et silencieux recouvre la campagne. Sous
le couvercle du ciel, l’heure est à la méditation. Les hautes herbes
s’alanguissent, mélange de couleurs vert et paille, aux pieds des rosiers.
Leurs flèches maternelles ont déjà rendu leurs semences et la terre a rouvert
ses greniers, partout la récolte.
La
pente involutive est amorcée, voici que sonne l’appel des terriers, le grand
retour à la matrice. Doucement le sang s’alourdit et le mouvement s’apaise.
Comme elle est douce cette contemplation des herbes ce matin.
Pendant
ce temps, le monde tremble, la Corée du Nord vient d’expérimenter la bombe H…
L’humanité, électron libre de la nature… Une erreur.
Une
tourterelle, révélée par le bruit métallique de ses ailes, se pose non loin de
moi, au pied du tilleul. On se regarde, elle n’a pas peur. Dans sa robe pastel
teintée de lilas, elle incarne la douceur, la fragilité. N’est-elle pas une sorte
de colombe ? Un symbole roucoulant de la paix ?
Quelques
plocs se font entendre. Des oiseaux se baignent aux pierres de mesure en granit
remplies d’eau. Dans ce lieu, ce fouillis, plein de vie, tout est sérénité.
Ici, rien n’est à l’équerre, la vie s’exprime sans fard, sans faux-semblants.
Non !
je ne cèderai ni à la désespérance, ni à la mélancolie. Soudain un flash
m’illumine, je sais, comme on sait une évidence, demain appartiendra à ceux qui
auront conservé cette part de nature sauvage au plus profond de leur être.
Concours
de circonstance ? Le soleil, absent depuis le lever du jour, fait
brusquement son apparition. Je remercie les herbes, ma racine d’éternité vient
de s’indurer encore plus profondément dans l’espoir.
Tout
est clair, le temps est venu pour moi de récolter ma vie pour le partage.
Mardi
L’histoire sauvage
J’ai
lu dans les empreintes des pattes d’un oiseau, là, sur le monticule de terre
d’une cheminée de taupe, tout l’impossible des herbes, l’histoire sauvage. Une
racine, quelques tiges, l’attachement à l’essentiel. Fragilité qui s’accroche à
la source de vie, têtue et confiante.
Herbes,
langues d’oiseau, porte-parole de l’amour en eau et lumière, en sève, en
stigmates et pistils, en pollens-brouillard diffusant leurs gamètes en
vibrations fertiles.
La
vie est son, porté par le silence. Rythme lourd de la matrice accordé aux
tambours des chamans.
Voilà
l’enseignement des herbes révélé par une patte d’oiseau sur le sol aujourd’hui.
Mercredi
Après la pluie
Après
toute cette pluie, la pomme pourrit sur l’arbre et l’herbe verdit.
L’océan
végétal s’incline en vagues
harmonieuses. La chevelure de la terre pousse drue, libre, sensuelle. L’œil
bercé par ce flot est aux anges, l’esprit se relâche dans la contemplation. Un
paradis chatoyant de verts est descendu dans mon jardin où quelques pissenlits
explosent leur dentelle, tandis que leurs cœurs palpitants espèrent en secret
l’élixir du soleil.
-Silence !
l’entends-tu cette voix des mondes qui se conjuguent, s’unissent, se tissent dans
l’abolition des frontières ?
-J’entends !
Je suis herbe et je danse !
-C’est
toi ! l’herbe qui chante les herbes, comme une abeille chante la fleur au
printemps.
Après
toute cette pluie, la pomme tombée nourrit le merle et l’herbe me nourrit.
Jeudi
Danser sur les plates-bandes
Quelques
touffes d’herbes s’enchevêtrent dans les premiers frimas. S’unir pour résister,
chez les herbes aussi il semble que ce soit la loi. Voilà ! l’Homme
découvre enfin que l’entraide et la communication font aussi partie du règne
végétal*. Lui, qui dansait sur les plates-bandes sa grande gigue de la
suffisance, en croyant tout savoir se trompait !
À
chaque jour sa vérité en somme ! Cela nous laisserait-il quelque
espoir ?
Merci
les herbes de tant d’enseignements. Voilà qu’au bout de sept jours, je vous
observe avec un regard neuf. N’est-il pas temps de se reposer un peu pour
assimiler votre enseignement ?
À
bientôt vous revoir, Mesdames, que l’hiver qui s’annonce vous soit clément.
*La vie secrète des arbres (ce qu'ils ressentent, comment il communiquent) de Peter Wohlleben Ed. Les Arènes
©Adamante Donsimoni (sacem)
29/09/2017
Tonitruance divine
Il surgit
au-dessus des eaux, formidable, puissant.
Sa bouche
grande ouverte lance un cri inaudible qui pourtant réveille les formes.
Il dégouline
avec superbe sur des lambeaux de robe, plus versatiles que les nuages.
C’est la
fourmilière de l’indéfini qui grouille là. Partout les eaux se cherchent pour
se réinventer.
Parfaite
éclaboussure d’un masque de Bali peu amène, une sorte de mouton Miro-ien, en
appui sur sa queue lui fait face. À son côté, un genre de moaï au nez bleu
observe l’esquisse d’un Modigliani à perruque blonde, perdu dans les plis de sa
robe.
Tout ici est
aux aguets pour saisir la tonitruance divine.
Mais à bien y
regarder, si la bouche devient visage, ce génie des eaux, ce cétacé ubuesque
évadé des grands fonds, n’est peut-être rien d’autre après tout que Ma Dalton, le
colt à la main, dans sa robe bleue ouistiti, assise sur un masque Vénitien et
regardant passer un mouton en gondole.
À la vision
du peintre s’ajoute mon délire, j’en conclue donc, me référant à la sagesse
chinoise, que « tout dépend du point de vue où l’on se place et de l’idée
que l’on s’en fait ».
Sur une œuvre de MarHak
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