Dessin Françoise Isabel |
La petite fleur d’or
Comme il me semblait gris, le temps, ce matin-là, en cette période de basculement du monde.
L’humain, dépassé par ses découvertes, s’était insensiblement séparé de lui-même. Craintif de perdre son intelligence face à l’inéluctable disparition qui le menaçait, il avait cherché comment la conserver de façon artificielle.
Grisé de ses succès, émerveillé de ses résultats, il avait fini par ériger une prison algorithmique aux murs transparents où il pouvait visionner les images de son conservatoire de la vie.
On pouvait désormais voir une foule de smartphones dressés vers le ciel pour capturer les images d’un feu d’artifice que personne ne regardait plus qu’au travers de l’objectif. Le monde était devenu glaucomateux, il avançait comme ces chevaux de labour, toujours présents dans la grande bibliothèque des datas centers, avec des œillères.
Ce matin-là, comme vaincue par tant d’inanité, je me sentais anéantie.
Pourtant, sans que je le cherche, cette lumière illusoire de l’espace extérieur que dévorait le monde m’avait ramenée en moi-même. Je m’étais laissée glisser dans les ombres où se cachait ma propre nitescence ; j’avais débouché dans un espace où enfin je pouvais me détendre, me laisser bercer en confiance, sans plus penser à rien, comme un enfant encore relié à la source des sources.
C’est à ce moment que j’avais vu l’image, une petite fleur aussi dorée que le soleil. Elle s’était inscrite sur mon écran et, de cet espace où je me tenais, je l’avais regardée avec les yeux du cœur. Là, j’avais compris que rien, absolument rien, ne pourrait jamais contraindre la lumière.
un petit soleil
enchâssé dans le béton-
éclat invincible.
Adamante Donsimoni - 31 janvier 2024
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