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09/09/2017

Des perles de pluie sur les herbes


Des perles de lumière sur les herbes 


En cette fin d’été parfumée d’automne, la pluie a maquillé les herbes. L’instant est unique, je suis sous le charme. Tout s’efface qui n’est pas lumière. Je voyage dans une pantoufle de verre* aux pays magique du strass. Je n’attends aucun prince. Et j’ai tout, absolument tout ce dont je peux rêver. Dans cette dimension, les richesses matérielles n’ont aucun sens.
Le diamant, conçu aux feux de la terre, masque sa lumière, le sage ne se répand pas.
Mais les herbes, par leurs racines, connaissent le grand dessous des choses, elles en témoignent. Je découvre la richesse de l’instant qui se donne dans cette symphonie du prisme que le vent balaie emportant avec lui une part de cet éclat d’éternité. J’ai déjà prélevé ma part. À l’éternité du diamant convoité par les Hommes je préfère celle de ce moment fugace et sans fin qui vit désormais aux tréfonds de mes espaces intérieurs.
La Terre connaît trop bien la convoitise humaine, qui porte la lumière doit la protéger des regards avides.
Voici l’enseignement des herbes ce matin et rien ne m’est plus précieux.

Adamante Donsimoni (sacem)
http://le-champ-du-souffle.blogspot.fr/

               *et non pas vair, par choix délibéré.


26/08/2017

Les yeux fous de la ville



 
Que regardent les yeux fous de la ville, bras tendus vers un avenir incertain ?
Le vent arrache aux cheminées un sifflement aussi ulcéreux que le vin des pauvres. Non loin du ciel, les dômes contredisent la douceur attendue de l’arrondi. Ils sont fermeture, couvercles posés là pour étouffer les esprits rebelles, les âmes éprises de liberté. Affreux symboles d’un « Sacré cœur » dévoyé au profit de l’intégrisme. Il n’est point de compassion dans ce monde sans amour ou la rédemption se dresse comme une menace. Sans amour pas de pardon, sans pardon, la mort.
Quelques croix fantomatiques se dressent vers les nuages. C’est le cri du silence, le masque d’une béance qui déchire l’histoire humaine. Il n’est pas jusqu’à la couleur qui ne sombre, dans ce monde automnale où l’on ne récolte que feuilles mortes.

Adamante Donsimoni (©sacem)
vendredi 25 août 2017 



Photo
Sur une photo d'Arnaud Bouchet

07/07/2017

La rencontre



Après un long voyage à travers la campagne, en ce temps reculé inscrit dans nos mémoires, un voyageur fait une halte. Appuyé sur son bâton, il s’arrête, embrasse du regard la chaumière où un vieillard accoudé à la porte l’observe.
Ses pauvres pieds meurtris
implorent un peu de repos
un si long chemin…
Mais à cet instant, rien ne presse.  Le monde paysan a ses rituels. On s’observe, on se jauge. L’arrivant le sait, il laisse au vieillard le temps de se faire une idée.
Il sait qu’en échange des nouvelles des pays voisins, le vieux lui offrira le gîte pour la nuit, dans la paille de l’appentis qui jouxte la pauvre demeure et, pourquoi pas, un bout de pain, peut-être même une tranche de lard.
Un geste de salut
un raclement de gorge
un pas vers l’autre
En attendant, deux mondes se rencontrent.
À l’étranger de prouver sa bonne foi, ne pas brusquer le contact, tisser une relation de confiance sans hâte ni précipitation.
Le dos fatigué
peut attendre la paille
si convoitée
L’essentiel se joue dans une sorte d’étirement du temps, comme un bâillement de détente.
Si la rencontre a lieu, le sédentaire accueillera le vagabond. Il fera ce soir moisson de nouvelles qui le maintiendront éveillé durant ses longues soirées de solitude, bien longtemps après que le voyageur aura disparu, avalé par le silence de la forêt.
Rembrandt (Rembrandt van Rijn) (Pays-Bas, Leiden 1606-1669 Amsterdam)  

30/06/2017

Allée des pas perdus…



 
Allée des pas perdus… ça pour l’être ils le sont ! L’esprit un peu rêveur on baguenaude sans voir dans un entre deux sans durée où le regard se berce de nature.  Vertu des grands espaces,

les pieds sont ici,
et la tête est ailleurs
on ne sait plus trop

Mais, ici ou là, quelle importance ! Comblé de ce rien qu’est l’instant, on se donne aux doigts de la brise pour ressentir la vie, respirer, s’imprégner du paradis qui frémit, là, juste sous votre peau.  Et puis soudain,

au pied d’un hêtre,
couché entre deux racines,
un nouveau-né

allongé dans la mousse
il tète encore sa mère

Cette apparition c’est l’offrande de la Terre pour fêter le prodige de votre abandon. L’arbre complice vous a ensorcelé. L’enfant du hêtre s’offre et pénètre votre immobilité de sa palpitation végétale.  Alors résonne en vous ce bruit de succion intemporel qui vous accompagne depuis la nuit des temps, à chacun de vos pas.

               ©Adamante Donsimoni (sacem)

image Françoise Isabel






23/06/2017

Le vieux saule



Il a touché le ciel
puis, dans un élan d’amour
il a plongé ses doigts dans la terre
le vieux saule
et j’ai pleuré.

                                        ©Adamante Donsimoni (sacem)



 
Le vieux saule - photo SusiS        








 

16/06/2017

Le désir

 
Qui regarde qui ? Les enfants, en arrêt devant les figurines de la vitrine qui orneront peut-être une crèche ou un sapin pour magnifier la fête de Noël ; ou l’âme des figurines immobiles qui les interpelle sans mot ?
L’écoute de leur silence fait se pointer le doigt de la gourmandise. Pour eux, le temps s’est arrêté. La magie de l’instant éternel opère, le désir s’installe. L’empreinte de la friandise convoitée se fixe à tout jamais dans le cœur indestructible de l’enfance.
L’œuvre d’art ne participe pas du vouloir faire, mais du laisser être. Elle témoigne. Elle plonge l’observateur comblé dans la vibration d’un non agir créateur.
Je reçois donc je crée par la redécouverte de moi-même, par le retour à la source primordiale.
Ici, mon enfance, délicieusement parfumée de miel et d’épices, déploie ses ailes.


Adamante Donsimoni (sacem)
               sur une œuvre d’Alvaro de Taddeo « Vor der baeckerei » « Devant la boulangerie »












 
 

09/06/2017

Akènes et fleurs de pommiers



Akènes et fleurs de pommiers
danse le printemps danse
akènes et fleurs de pommiers
si loin déjà

Sur une branche d’acacia, l’homme se rêve
sur une branche d’acacia
quelques pétales sont tombés

L’été dénude le printemps
adieu la robe d’épousée
envie de feu
envie de flamme
envie de fruits
voici la ronde des pistils
et les promesses avortées jonchent le sol
la Terre se fend
la Terre se ride
sourire meurtri
sa robe déchirée

Akènes et fleurs de pommiers
la vie gémit
l’homme se tait

Akènes et fleurs de pommiers
l’espoir gelé
se change en larmes
larmes de ciel
larmes de sang sacrificielles
 
Akènes et fleurs de pommiers
dernier soupir du printemps
dernier souffle rendu
et pas un cri
dans un trou de poussière
la folie couve
et c’est la mort

Akènes et fleurs de pommiers
voici le chant de la dernière abeille.

©Adamante Donsimoni (sacem)

Image Jamadrou

26/05/2017

Un conte de perles d’eau


Apparitions aquatiques sur le bord de l’évier. Un conte de perles d’eau.
Une femme élancée, sorte de rémanence d’une cité interdite, glisse doucement vers l’oubli ; tant oubliée déjà et pourtant si présente. Seule avec les fantômes à peine esquissés de sa solitude, un doigt sur le menton, elle semble méditer. Elle passe. Elle ne fait que passer, elle ne sait que passer.
Dans les plis de sa robe, quelques ébauches de silhouettes hésitent à se montrer, la crainte les contraint bien plus que la lumière, mais elles l’ignorent.
- « Tu ne seras point.»
Il en faut du courage pour bousculer un tel précepte ! C’est écrit si profondément en soi. Comment s’en départir sans perdre ses repères et risquer de se dissoudre dans un néant supposé pire que la prison dont on connaît chaque mur ?
Le profil d’un Moaï, dans la certitude de sa solidité, domine ces chimères. Le poids est sa puissance. Il méprise la force de l’eau, cette patience qui un jour le couchera irrémédiablement.
Ici, tout n’est que silence. Rien pour troubler la paix d’ombre de l’horizon incertain vers lequel les herbes, bercées par le courant, s’inclinent.
Tout se dessine dans l’instant, l’instant qui n’en finit pas d’être et de se transformer.
 
 
 
 
 
Image ©Adamante
 
 

06/05/2017

La misère ordinaire

C'est un constat terrible qui nous met face à notre impuissance individuelle dans ce monde où une poignée vit de la misère du plus grand nombre.

J'ai souvenir d'un vieil homme, près de la gare d'Austerlitz, il y a déjà quelques années. Il était là, à tendre la main, en attendant que, pour les automobilistes, le feu passe au vert. À ses pieds, il portait des charentaises, dans la rue, il pleuvait. Quelle bonté sur son visage, aucune trace de rancœur, il m’avait émue. Le temps que j'ouvre mon sac pour trouver quelques pièces dans ce fourbi, le feu est passé au vert. Ça poussait derrière, l’automobiliste n’est pas patient. Je n'ai pas eu le temps de lui tendre la main, j'ai embrayé, je suis partie.
Je n'oublierai jamais, ce vieux Monsieur, il aurait pu être mon grand-père. Cette idée m’est encore insupportable. Il faut si peu pour qu’un chemin soudain diverge et vous mène à un carrefour, sous un porche, devant une grande surface, à la rue ; à la rue… brisé, violé, exclu par la société des hommes.
Cette misère est intolérable et ce n’est certes pas demain, 7 mai 2017, second tour d’une présidentielle entre peste et choléra, qu’un bulletin, quel qu’il soit dans l’urne, y changera quoi que ce soit !

De façon individuelle, si l’on ne peut donner à tout le monde, offrir ne serait-ce qu’un sourire c'est déjà partager un peu de notre humanité.
Il est des sourires inoubliables, glanés comme ça, au hasard du chemin qui vous accompagnent toute une vie.  Qui sait ce qu’ils peuvent faire ces sourires offerts à des êtres habituellement invisibles ?
Redonner confiance, éviter le gouffre, rompre la solitude, réveiller l’espoir ?
Faire bifurquer un chemin, pourquoi pas ? Que savons-nous des ressorts profonds de la vie ? De l’impact d’un peu de tendresse ?
Alors, luttant contre cette raideur qui nous pousse à baisser les yeux, à accélérer le pas pour échapper à cette confrontation douloureuse, à cette culpabilité impuissante, comme si cela était possible, je m’efforce de ralentir. Je m’oblige à croiser le regard, à sourire et découvrir au fond de ses yeux l’être qui se meurt derrière la transparence assignée par la société et peut-être ainsi réussir, l’espace d’un instant, à alléger le poids de la négation et du rejet.
C’est comme ça qu’un jour, j’ai rencontré l’homme aux pigeons.
C’est comme ça qu’un jour, j’ai rencontré Giuseppe et je prends conscience aujourd’hui, en cette veille électorale, que je ne lui ai pas donné un centime.

Mais quelle rencontre !

Adamante Donsimoni (sacem-billet d'humeur)
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28/04/2017

L'enfant des fleurs

 
Elle ferme les yeux
Elle a quitté le gris, le froid
Elle a quitté la misère, le poids qui plombe l’âme et la cantonne à l’ombre
Elle a quitté la rue, ses cris
Elle a oublié les affiches, les paroles adultes où tout est duel et peur
Elle a oublié ce monde où tout semble se résumer en deux forces opposées
Dans une autre vie, vendeuse d’allumettes
Dans cette vie, vendeuse de fleurs
La petite main des pavés qui propose ses fleurs
L’enfant pauvre, oubliée, vient de s’endormir
Le parfum des bouquets chatouille ses narines
Son cœur se réjouit
La petite princesse des fleurs
La démunie, la va sans rien
Danse sur le rire du rêve
Belle de cette liberté qu’offre le dénuement sans attente :
Savoir profiter de l’instant magique qui se donne à qui n’a rien
Dans son monde, sourde un rayon de lumière
Il traverse ses paupières
Et soudain les passants s’arrêtent
Là, sur les marches, un petit soleil vient de s’allumer
L’enfant
Sans défense
Leur montre le chemin
Le rire, nourriture essentielle de la vie, prend sa source dans l’abandon
Dans la confiance
La vie ne se résume pas à ce que l’on possède
On ne possède pas la vie, c’est elle qui nous possède
Certains amassent en un désir inextinguible
Piétinent, détruisent, manigancent, se goinfrent, affament et tuent
Ignorant qu’à ses richesses se lit la pauvreté du monde.
L’enfant des fleurs le sait
Un parfum, rien qu’un parfum
Et voilà qu’un sourire allume le feu de son cœur
Il s’embrase en un rire gigantesque
Et tout se métamorphose
Toi qui passes et qui la regarde
Ne sens-tu pas la nécessité de ce rire salvateur dont ton cœur a si faim ?
Que sont ces deux rides de désespérance qui barrent ton front ?
Ce sérieux qui te fige l’âme et te glace ?
La vie possède en elle tout ce qui te manque et pourtant vit en toi
L’enfant qui dort, le ventre creux, l’œil cerné de fatigue
Là, devant toi, le sait
Ce pourrait être toi
Toi, dans la pureté de l’Être
Toi, dans un élan d’amour.

©Adamante Donsimoni (sacem)




d’après une œuvre de Georgios Jakobides, la vendeuse de fleurs