Quelques oiseaux accrochés à une girouette-nuage observent le ciel. À peine un souffle de vent, je crois entendre des voix :
- OSE ! murmurent l’Ouest, le Sud et l’Est, OSE dire que tu es le plus important !
- Je N’OSE ! répond le Nord ?
- Bien évidemment, tu es trop fier !
- Non, Je suis prudent !
- La bonne blague, dit l’Est, au nom de la boussole You are the ONE ! et tu te crois indispensable !
Le Sud renchérit :
- Quand on t’a perdu plus rien n’existe et ça te monte à la tête, pourtant quand vient le froid, c’est vers moi que les oiseaux s’en viennent !
- Certes, répond le Nord, mais à l’inverse, quand ta brûlure devient sécheresse, ils s’en reviennent vers moi !
- Oh ! vous deux, vous êtes pareils ! dit l’Ouest, toujours à vous quereller, mais vous ne pouvez aller l’un sans l’autre. Toutefois vous ne devriez pas oublier qui je suis. Sans moi, ici pas de pluie ! et pas de pluie, pas de vie ! Et puis le soir j’accueille le Soleil qui se couche dans mes eaux, ça n’est pas rien !
- Et moi dans tout ça, je fais décor ou quoi ! dit l’Est, c’est moi qui, en Occident, invite au voyage, à la découverte de nouvelles terres. Je n’ai pas que la mer à offrir, mais des terres, des lacs, des rivières !
D’ailleurs partout, sans moi, le Soleil ne se lèverait pas au matin ! Je suis le symbole de la renaissance !
- Est, Ouest, vous êtes complémentaires au même titre que le Sud et moi-même ! dit le Nord, cessez cette querelle et tâchez de comprendre ce qui fait ma particularité. Si l’Ouest, selon le parcours du Soleil, est le symbole de la mort et l’Est celui de la renaissance, tous deux témoignent de la nécessité de la transformation car rien ne peut avancer sans se transformer.
En ce qui me concerne, je suis le symbole de la vie dans sa toute première manifestation, car la vie vient de moi et y retourne. En ce sens je suis aussi le symbole de la nuit, de la mort, celle de l’ultime manifestation de la vie. Je suis celui qui porte en lui tout ce que l’on ignore et qui pourtant existe avant d’être manifesté. Je porte le froid quand le Sud porte le chaud. Je suis la maison vers qui tout ce qui vit s’en revient à son dernier souffle.
Ce qui naît de moi suit le rythme des saisons. Il grandit avec l’Est qui a la vigueur du printemps, le désir de croître, de découvrir, d’expérimenter, de croquer la vie à pleines dents ; puis il s’élève vers le Sud, comme un soleil rayonnant de toute la puissance de l’été, il est à l’apex de sa vie, il serait parfois tenté d’y rester mais il lui faut poursuivre son chemin vers l’Ouest, accepter que son feu devienne plus doux. C’est l’automne, la profusion des couleurs, le temps des récoltes, le moment de capitaliser et de témoigner de ses expériences. Ayant enfin accompli ce chemin il se doit de revenir à moi qu’il a oublié dès son premier cri. Il lui faut enfin connaître l’hiver, le retour du froid, le repos mérité. Le moment est venu du retirement, celui de la paix, l’heure du grand retour à la maison.
À peine le Nord avait-il terminé de parler que le vent se mit à faire tournoyer la girouette, jusque-là immobile au-dessus du toit, si fort que les oiseaux du nuage et les lettres des points cardinaux se confondaient en dessinant un cercle dans le ciel.
Tournent les saisons
c’est le chemin de la vie-
la roue de nos âges.
Adamante Donsimoni ©sacem
27 novembre 2021
L'Herbier de Poésies