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22/07/2022

Derrière la brume


La brume partout
Ici, dedans : le vide
Étrange vide
Il ne manque rien
Tout est toujours à sa place
Mais... absent
La brume
Le vide

La fenêtre
Cœur béant
S'ouvre sur un ciel
Gris sale
Tout est si lourd
L’humidité est étouffante

Quelque part dans Paris
Dans le froid d'un bloc opératoire
À l'instant où j'écris
Une poitrine s'offre au scalpel
Des doigts experts reprisent un cœur-
Ton cœur-
Comme le mien est lourd !

Qu’y a-t-il derrière la brume ?
Des chairs à vif
Un sang détourné
Un sommeil sans rêve
Battu d'anesthésiant
Une absence programmée
Et un si long temps d’attente

Traverseras-tu la brume
Pour me revenir ?

« Tout est à sa juste place »
M’a confié le sage de ma vision
Mais où donc est-elle
La juste place ?

Je n’en sais rien
Je ne sais rien
Sauf que
Je t'attends

Derrière la brume
Je t'attends.


Adamante Donsimoni©sacem
22 juillet 2022



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10/07/2022

Le chant nostalgique

 

 

 

L'abbaye dans une forêt de chênes et le Moine au bord de la mer de Caspar David Friedrich.


Avec en fond le chant nostalgique de la mer, les ruines de l'Abbaye gémissent dans le vent, concert de branches dénudées et de vieilles pierres. Les quelques arbres souffreteux, torturés, gardiens d'un passé révolu, expriment la désolation des paysages maudits 

 

l'espace grignote
la vielle grille inutile-
la porte du vide


Quelques herbes rachitiques s'agrippent au sable. Ces lamentables touffes brûlées de sel de mer sont increvables, ici on s'accroche ou bien l'on meurt, il n'y a pas de demi-mesure


un moine égaré
un pénitent sans nul doute
erre, la bure au vent

le ciel sale du crépuscule
crache son ultime lumière.


Adamante Donsimoni
10 juillet 2022
sur les toiles L'abbaye dans une forêt de chênes et le Moine au bord de la mer de Caspar David Friedrich.
 

 

L'HERBIER DE POÉSIES

27/06/2022


Photo ©Adamante Donsimoni



 

Le chat de la lézarde



Le chat s’est faufilé par une lézarde du mur de la maison de retraite. 


je le vois de dos

il observe le jardin

caché à mes yeux


Derrière ce mur vieillissant sous l’effet des intempéries, d’autres se lézardent, sans bruit, isolés du monde, privés de vie, effacés aux regards. Il est de bon ton dans notre société de masquer ceux qui dérangent.


un monde sans vieux 

le doux rêve du jeunisme 

illusion des murs


Mais la mort, face cachée de la vie, se moque de la peur, aucun mur n’y peut rien. Le temps, l’usure lui ramènera, à leur tour, ceux qui la fuient. 


première ride

prémisse d'un adieu

un sillon de tendresse


on peut lire sur un visage

le grand art de la vie.

 


Adamante Donsimoni

24 juin 2022 ©sacem

Herbier de poésies 




24/04/2022

L’éléphant des nuages

 

La colline monte à l’assaut du ciel, accroche ses fleurs, ses herbes, ses buissons aux nuages qu’un arbre à l’agonie, esseulé tout là-haut, semble implorer


l’eau a reflué

la terre la lui a ravi

vaine fut la lutte


Un nuage éléphant se rit de ses prières, il suit les courants de l’espace vers d’autres contrées éloignées, d’ici là il aura changé d’aspect et le ciel, ici, sera redevenu d’un bleu d’une froideur absolue, sans la moindre trace de brume


tout s’en fuit un jour

tout se ruine et se dessèche

sous la loi du temps


un instant pour babiller

un autre pour disparaître.


Adamante Donsimoni ©sacem

23 avril 2022



photo Marine Dussarat 
pour la page 197 de l'Herbier de poésie

18/04/2022

Derrière le dragon

 


Photo adamante




Derrière le dragon 

un arbre s’est élancé 

vers le ciel


Une fenêtre se reflète sur une vitre, là un arbre de vie se dessine, un ciel se réplique, deux réalités se croisent. Deux que je vois, que j’aperçois


souvenir brodé

du napalm, sur un carré

de soie… le Vietnam


Quelque part dans la brume invisible de mes souvenirs, j’entends l’écho des bombes défoliantes… une réalité si vite oubliée. Et voilà que les assassins d’alors condamnent ceux d’aujourd’hui. 


folie meurtrière

au nom d’un dieu : le profit

Le même intérêt


L’avidité empoisonne la vie des peuples. Qui livre les armes aurait-il les mains propres ?  Et du côté des peuples, je me demande : certains martyrs le seraient-ils plus que d’autres parce qu’ils nous ressemblent ? 


L’hydre à quelques têtes

pense la mort en milliards

et le peuple  en sang.

 


Adamante Donsimoni © sacem


L'herbier de poésies 


27/03/2022

Les pieds du silence


Doris Salcedo  Atrabiliarios, 1992-2004, chaussures, mur, bois, fibres animales
Musée d’Art contemporain de Chicago - détail




Qui se souvient des pieds qui un jour ont dansé au temps de la joie de vivre ? Voilà que les chaussons s’exposent en souvenir de femmes oubliées, que la terre, quelque part, n’a pas encore toutes rendues.


les pieds du silence-

quelques notes envolées

un peu de poussière


La violence n’a pas de pays, la haine pas de frontière, et le germe du crime est toujours enduré dans le désir de domination, d’appropriation. Il est si facile d’écraser, de contraindre, de mépriser, lorsque l’on se sent fort…


gros nuages noirs

l’avidité est une pluie

acide


Le féminin sacré, si souvent éhonté, bafoué, violé est un hymne à la vie, une ode à la résistance, un exemple de résilience et de combat. C’est cela le corps des femmes, un temple profané, mais à chaque pas de l’Être, à chaque chausson vide, l’inéluctable avancée.


toute liberté

-le sang des peuples trahis-

croît sur des charniers.



Adamante Donsimoni ©sacem



D'autres textes -  ICI l'Herbier de poésies



 L'histoire


Dans les années 1990 marquées par la guerre civile, des Colombiens s’opposent fermement au gouvernement corrompu et aux cartels de drogue tout-puissants. La réponse de ces derniers est glaçante : des villages entiers sont décimés.

Au cours de ses recherches, Salcedo réalise que ces meurtres violents visent bien souvent des femmes, presque toujours défigurées par leurs ravisseurs.
Leurs chaussures sont parfois le seul moyen d'identifier les corps.






Par paires, dépareillées, ou orphelines, ces chaussures témoignent avec force de ces crimes.
Salcedo a choisi de présenter des chaussures typiquement féminines, pour bien rappeler au public que les femmes n'ont pas été épargnées par le conflit.





Doris Salcedo, plasticienne, née en 1958 à Bogota, en Colombie
L'artiste  transforme les objets pour qu'ils passent de l'utilitaire au symbolique. Elle ne se montre que très peu et n'aime pas s'afficher.

“J’aimerais m’effacer”, a-t-elle expliqué lors d’une conférence donnée le 6 novembre 2006 au Musée national de Colombie. “ Cela ne m’intéresse pas d’être une figure médiatique.  Je ne raconte pas mon expérience personnelle ; ce qui m’arrive à moi est dénué d’intérêt.”


 








10/03/2022

Le Pont de Comencau

 


 

On a chanté le pont de Nantes et la Loire majestueuse, nous chanterons le pont de Comencau et l'Aveyron que domine le château de Cayla. Une enjambée singulière, dessus les eaux cascadant joyeusement vers le Tarn pour rejoindre l'Océan, que toutes les rivières et les fleuves convoitent.  
 
Un irrésistible voyage
le goût du sel, du vent
et des voiles
 
Le vieux pont immobile la regarde danser cette eau prise d'impatience. Le paysage est à rêver quand les buissons du printemps explosent le blanc de leurs fleurs, dont le parfum grimpe jusqu'aux pierres resplendissantes du château, au coucher du soleil.
 
Un petit éclat
un souvenir de l'Eden
pour l'âme en exil
 
où, sur cette terre sacrée
elle peut contempler la lumière.

 
Adamante Donsimoni

8 mars 2022 ©SACEM


D'autres textes sur l'HERBIER DE POÉSIES


13/02/2022

En haut des marches


 

photo Marine

 

En haut il y a le soleil, c’est la logique du ciel, il semble que ce matin ce soit celle de l’escalier qui grimpe jusqu’à un mystère à découvrir.


les marches sont de pierre
invitation à monter
tout est si beau


Mais, patience ! Il est si bon de s’imaginer ce qui peut être, et que l’on ne voit pas. C’est comme une veille de fête, on se dit que ce sera merveilleux, tellement que le jour venu, c’est souvent la déception.


goûter le plaisir
de surseoir la découverte
merveilleux moment


J’entends les vieilles pierres murmurer : « Viens t’en, tu verras là-haut c’est encore plus beau, monte ! » Le pied sur la première marche j’hésite encore, et pourtant...


comme une folie
qui me prend et m’emporte
je me mets à courir


J’avale les marches deux à deux, je veux savoir, je dois savoir, il faut absolument que je sache ce qu’il y a là-haut, c’est impératif !


j’arrive au sommet
là, le soleil m’éblouit
je ne vois plus rien.


Adamante Donsimoni – 11 février 2022 ©sacem

 

 

 L'Herbier de Poésies


06/02/2022

Le salon des aiguilles

Photo Martine



La nuit, quand les portes du salon des aiguilles se sont fermées sur le public, quand la laine, sagement alignée sur les rayons des stands, dort, attendant le lendemain pour qu’une voix demande : « Je veux celle-ci » ; sur le stand des poupées de chiffon il en va tout autrement

la Mère l’Oie éructe :
 « j’ai failli être vendue
dieu que j’ai eu peur !

mais elle m’a trouvée trop laide
sale gamine insupportable ! »


La petite poupée paysanne, à ses côtés la rassure : « Tu es belle la Mère l’Oie, ne te décourage pas ! » C’est certain, la Mère l’Oie trouvera celui ou celle qu’elle espère pour partager sa vie, même si maintenant elle cache son chagrin derrière son mauvais caractère

envie de pleurer
son cœur est tout cabossé-
une fleur d’or


À la droite de la Mère l’Oie, deux pimbêches de porcelaine qui se prennent pour des ladies, les yeux au plafond, l’air hautain, soupirent avec mépris : « Le petit peuple se plaint toujours, alors la basse-cour ! » Elles ne supportent pas de se trouver au beau milieu de cette caverne d’Ali Baba, entre ces pauvresses de chiffon et ces horribles babioles en céramique.

avec l’intolérance
le regard se fait dur
et le cœur s’aigrit


Mais les poupées : Souris, Paysanne, Chat de chiffon, et même la Mère l’Oie dont la colère est retombée,  ces doudous tout mous, cousus avec soin pour dispenser des câlins qui font le bonheur des jeunes enfants, n’en n’ont cure. Ils connaissent la résilience, et rêvent déjà de ce bébé d’amour, fille ou garçon, qui les adoptera, demain peut-être, qui sait ? quand les portes du salon rouvriront. Il y a…

entre les bras d’un enfant  
tant de secrets à partager-
tendresse

les yeux des poupées-chiffon   
brillent du feu des étoiles.



Adamante Donsimoni - 31 janvier 2022 ©sacem



D'autre textes sur cette photo : L'Herbier de Poésies

 

 

 

30/01/2022

 

Photo ABC

 

 

L’attente de la forêt


Ils se sont pris les branches dans l’automne les feuillus de la forêt. Plus une feuille pour échanger avec le vent

un secret de sève
une nouvelle du lointain-
reste le silence


Les feuilles désormais tapissent le sol et marquent chacun de mes pas de leur haleine froissée d’humidité

un parfum d’humus
s’élève du tapis sombre-
tout est nostalgie


Le vent se faufile entre les bras dénudés qui semblent implorer le ciel, et sa voix déchire la canopée de ses gémissements sifflants. Le costumier de l’hiver n’aime pas la couleur, il habille les sous-bois de gris et de marrons.

l’heure n’est plus aux chants
et l’espace rétrécit
invite au sommeil


Il se pourrait que demain, le blanc recouvre tout. Il me semble qu’ici tout aspire à cet intermède lumineux pour masquer un temps la tristesse, et accrocher du rêve des pieds à la cime des arbres, où une arche se dessine pour accueillir la magie. Je le pressens, le vent aussi espère la neige, il aime la faire danser

son souffle amoureux
sur la Belle immaculée
et tout s’illumine.

 

Adamante Donsimoni - 28 janvier 2022 - ©sacem
 
 

                            Arthur Rubinstein - Chopin Ballade No. 1 in G minor, Op. 23


 
Nemanja Radulovic & Double Sens - Les Quatre Saisons - Hiver - A.Vivaldi