Le paysage s’offre à la découverte, tout est invitation à la
curiosité.
L’enfant de l’intérieur se réveille et ouvre grands les
yeux. Il y a tant de choses à ne pas manquer de découvrir. Les formes, les
couleurs sont autant d’appels au voyage.
Bonheur de mes pieds qui foulent une herbe tellement
enthousiaste que mon esprit se met à gazouiller, le poids a disparu, c’est mon
âme qui chante. Je ne marche plus, je vole au-dessus de l’allée, car au loin,
la porte d’un jardin m’appelle. Quand je la touche, je perçois la fraîcheur de
ses volutes de fer forgé parcourues de lierre sous mes mains. Elle est vivante.
Je comprends son invitation à pénétrer le domaine dont elle garde l’issue.
À peine un frémissement de sève accompagne son ouverture,
une liane vient alors fouetter mon visage, et je crois entendre des rires. Je
comprends que cette pluie de notes cristallines un peu moqueuses me souhaite la
bienvenue. Loin de s’en offusquer mon cœur en ressent de la joie, et mon rire accompagne les rires,
et ma joie accompagne la joie. Ce monde est vrai qui ne se prend pas au
sérieux.
J’entre. Quel fouillis, quel foisonnement de formes et de
couleurs ! Ce délire végétal est
une symphonie sans autre chef d’orchestre qu’une liberté sans limites. Et
pourtant, s’exprime ici un équilibre, une harmonie qu’aucun autre jardin,
fut-il le plus british, ne pourrait égaler.
Comme je me sens bien dans cette folie confinant au génie,
j’ai l’impression d’abandonner cette vieille peau humaine incapable d’une telle
dilatation.
C’est alors qu’un drôle de personnage à l’aspect fluctuant,
tenant à la fois de la vague en mouvement, du Gin et de Jérémy Criquet,
s’approche de moi, me tend une motte de terre coiffée d’une sorte d’espoir vert
sans forme, et par une pantomime burlesque, m’invite à la planter. Décidément,
ici, rien n’est comme dans le monde d’où je viens, tout est à la fois déroutant
et fascinant.
Un peu dubitative, je prends la chose entre mes mains. Le
personnage m’explique alors, par un chant rauque ponctué de clics et de sons
très aigus, qu’elle deviendra ce que j’ai envie qu’elle devienne, si je décide
de la planter ici.
Je comprends à présent la raison ou la déraison de l’aspect
du jardin. Je comprends que la chose sera, sous la forme d’un végétal, la
représentation symbolique de quelque chose qui me tient à cœur.
Son chant terminé, le personnage s’est éloigné afin de me
laisser le temps de réfléchir.
En communion avec cette expression indistincte, susceptible
de se transformer en une de mes envies, qui frémissait d’impatience entre mes
mains, je lui ai confié mon souhait, mon désir qu’elle fut arbre, puis je l’ai
plantée.
Et mon arbre a poussé, et mon arbre a fleuri en des
centaines de bouches parfumées venues me délivrer un message :
« Au jardin de ton âme pousse un arbre de lumière, ne
l’oublie pas. Il est en toi, grimpe dans ses branches, comme tu le faisais enfant
dans les pommiers. Assieds-toi sur une branche, observe, écoute, et dit à ceux
qui passent la beauté de sa lumière, car en chaque être pousse un arbre où leur
âme se perche et attend. »
©Adamante Donsimoni (sacem)