La
nuit, quand les portes du salon des aiguilles se sont fermées sur le
public, quand la laine, sagement alignée sur les rayons des stands,
dort, attendant le lendemain pour qu’une voix demande : « Je veux
celle-ci » ; sur le stand des poupées de chiffon il en va tout autrement
la Mère l’Oie éructe :
« j’ai failli être vendue
dieu que j’ai eu peur !
mais elle m’a trouvée trop laide
sale gamine insupportable ! »
La
petite poupée paysanne, à ses côtés la rassure : « Tu es belle la Mère
l’Oie, ne te décourage pas ! » C’est certain, la Mère l’Oie trouvera
celui ou celle qu’elle espère pour partager sa vie, même si maintenant
elle cache son chagrin derrière son mauvais caractère
envie de pleurer
son cœur est tout cabossé-
une fleur d’or
À
la droite de la Mère l’Oie, deux pimbêches de porcelaine qui se
prennent pour des ladies, les yeux au plafond, l’air hautain, soupirent
avec mépris : « Le petit peuple se plaint toujours, alors la
basse-cour ! » Elles ne supportent pas de se trouver au beau milieu de
cette caverne d’Ali Baba, entre ces pauvresses de chiffon et ces
horribles babioles en céramique.
avec l’intolérance
le regard se fait dur
et le cœur s’aigrit
Mais
les poupées : Souris, Paysanne, Chat de chiffon, et même la Mère l’Oie
dont la colère est retombée, ces doudous tout mous, cousus avec soin
pour dispenser des câlins qui font le bonheur des jeunes enfants, n’en
n’ont cure. Ils connaissent la résilience, et rêvent déjà de ce bébé
d’amour, fille ou garçon, qui les adoptera, demain peut-être, qui sait ?
quand les portes du salon rouvriront. Il y a…
entre les bras d’un enfant
tant de secrets à partager-
tendresse
les yeux des poupées-chiffon
brillent du feu des étoiles.
Adamante Donsimoni - 31 janvier 2022 ©sacem
D'autre textes sur cette photo : L'Herbier de Poésies